Prédication du culte Crescendo (4 mars)

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Alléluia !
Louez Dieu dans son sanctuaire ;
louez-le dans la forteresse de son firmament.
Louez-le pour ses prouesses ;
louez-le pour tant de grandeur.
Louez-le avec sonneries de cor ;
louez-le avec harpe et cithare ;
louez-le avec tambour et danse ;
louez-le avec cordes et flûtes ;
louez-le avec des cymbales sonores ;
louez-le avec les cymbales de l’ovation.
Que tout ce qui respire loue le Seigneur !
Alléluia !

Prédication : En étant le point d’orgue de tout le livre des Psaumes, ce texte que nous venons d’entendre place la louange comme le centre de l’activité humaine. Tout doit être utilisé pour louer Dieu. Quelle plus belle parole que celle qui clôture aussi ce psaume lui-même : Que tout ce qui respire loue le Seigneur ! Que tout ce qui a du souffle loue le Seigneur !
En entendant ces paroles, nous avons des souvenirs qui nous reviennent. La première expérience d’un parisien c’est la suffocation ; à cause de la pollution, bien sûr, mais aussi beaucoup à cause du métro. Pensez au métro aux alentours du 12 août, ligne de RER, si possible avec une rame dont la climatisation est en panne. Pensez à cette expérience. Vous devez traverser Paris d’un bout à l’autre, et là, votre seule préoccupation — à part la marque du parfum ou du non-parfum de la personne qui est contre vous —, votre seule préoccupation c’est : « Comment vais-je faire pour respirer jusqu’à la station à laquelle je dois me rendre !?? ». Je pense que vous avez tous vécu cela : « Comment est-ce que je vais faire pour respirer ? ».
Une autre expérience, assez proche de l’immersion dans le métro, c’est celle de l’angoisse par excellence pour les terriens, les terreux que nous sommes, c’est la mort par noyade. C’est terrible, parce que le lieu où nous devons être envahis par de l’air, à savoir nos poumons, est envahi par de l’eau. C’est vraiment l’expérience d’anxiété intégrale.

Finalement, dans toutes ces évocations qui peuvent mobiliser nos sentiments ou nos souvenirs, il y a une seule et même préoccupation : « Comment vais-je pouvoir respirer ? ». Et quand je dis cela, la question est plus précise encore, c’est : « Comment vais-je faire pour pouvoir reprendre mon souffle ? Qui va être capable de me donner un peu d’air respirable pour que je puisse non pas respirer, mais inspirer ? ». Notre préoccupation la plus profonde dans les temps d’oppression et de grandes difficultés, c’est d’inspirer. Parce qu’expirer, on y arrive toujours, cela paraît secondaire. Mais inspirer ! C’est précieux, beaucoup plus important.
Cela évoque une des premières expériences de l’être humain. Nous pouvons considérer que le livre de la Genèse nous offre cette expérience première en évoquant à sa façon le trajet inverse de celui qui fut le nôtre quand nous sommes nés. Car, quand nous sommes nés, nous étions plein d’eau, partout, et on nous a pendus par les pieds pour qu’il y ait enfin de l’air qui passe. Nous avions besoin de respirer. La première expérience de vie de l’être humain, c’est de recevoir un souffle. Accueillir un souffle à l’intérieur de soi et être désormais « capable de souffle ». L’être humain reçoit un souffle de Dieu (neshama en hébreu), et tout d’un coup, il est capable de souffle (nephesh). Nous sommes donc infiniment préoccupés de savoir quel est l’air que nous allons pouvoir respirer. Qu’est-ce qui va pouvoir entrer en nous pour que notre inspiration (entendez ce mot dans tous ses sens) amène en nous quelque chose de l’ordre de la Vie, quelque chose de l’ordre de l’oxygène ? C’est notre préoccupation première. Comment respirer un air à peu près sain et non pas celui du métro, comment respirer, si l’on est dans une posture croyante, quelque chose de l’air du Royaume, comment respirer un air qui sera purifié, pas simplement au sens bactériologique, mais véritablement au sens spirituel.
Mais, puisqu’aujourd’hui, c’est un trompettiste qui nous accompagne musicalement, vous pouvez vous douter que ce n’est pas forcément cette inspiration qui est la plus importante. Oui c’est notre première expérience, c’est ce qui nous paraît le plus important, mais, et le trompettiste, et l’Evangile vont nous dire que ce qui est capital, c’est l’expiration !
Elle paraît machinale, évidente, facile ; nous ne sommes pas très préoccupés de recracher l’air que nous avons dans les poumons, mais dans un second temps de notre parcours existentiel et spirituel sur cette terre, nous réalisons que nous avons un infini besoin de soigner notre expiration. Pour le trompettiste, c’est ce qui va donner sens à sa musique. Evidemment, il se préoccupe de reprendre son souffle de temps en temps, mais le plus important, pour ceux qui sont à son écoute, ce sera sa qualité dans le geste du don du souffle, cette qualité d’offrande de son souffle qui va permettre que le son soit modulé, qu’il soit plus ou moins fort, qu’il soit plus ou moins rond, intense… c’est la préoccupation du trompettiste. Et c’est finalement notre préoccupation spirituelle à nous aussi.

Parce que nous pourrions respirer tout l’air du Royaume, nous pourrions être nourris de tout l’air du Saint-Esprit, nous pourrions être dans une semie-extase permanente, et recevoir sans cesse ce souffle de l’extérieur, ce souffle sain, ce Souffle Saint, si nous ne le soufflons pas concrètement sous forme de parole (parce qu’il faut du souffle pour pouvoir parler), ou sous forme d’action (parce qu’il faut du souffle pour pouvoir courir, pour agir, pour transformer la matière, faire évoluer le monde), si nous ne nous préoccupons pas nous aussi de ce que nous expirons dans ce monde, alors nous nous arrêtons à la moitié du chemin, parce que ce qui compte pour le Seigneur, ce n’est pas seulement la qualité de ce que nous inspirons, mais c’est surtout la qualité de ce que nous offrons par notre souffle à ce monde. Qu’est-ce que je donne de cet oxygène du Royaume que j’ai reçu ? Qu’est-ce que je ré-offre, même si ce que je redonne est toujours un peu terni par le gaz carbonique que j’y ai mêlé ? Qu’est-ce que je donne du souffle de Christ à l’extérieur de moi-même ? C’est ça qui compte ! Bien plus que ce qui m’a inspiré, au bout du compte, c’est ce que j’ai expiré qui importe.
Il s’agit du geste de Dieu, du geste créateur de Dieu auquel nous sommes associés. C’est par un souffle de l’Eternel que l’être humain a été fait une âme vivante. C’est par un souffle de Christ dans la pentecôte johannique que les disciples sont fait apôtres. C’est par un souffle de l’Eternel que l’Eglise est fondée, parce que Dieu vient souffler dans Israël, tout d’un coup. Voyez, les grands moments de l’histoire de l’humanité, et donc de notre histoire, sont, malgré notre expérience, plutôt ceux dans lesquels on a soufflé, que ceux dans lesquels on a aspiré. Alors je ne veux pas opposer l’inspire et l’expire, je ne veux pas les classifier, les hiérarchiser, mais simplement attirer notre attention sur le fait que la louange due à Dieu lui soit rendue par ce souffle de tous ceux qui respirent ! A savoir vous et moi. Les morts, qui n’ont plus de souffle, ne peuvent plus louer l’Eternel, nous disent plusieurs textes bibliques. Alors qui va le louer, si ce n’est pas toi ? Oui, respire en Dieu, oui, respirer l’air du Royaume, et souffle, insuffle dans ce monde la réalité nouvelle. Voilà ce à quoi le Christ nous appelle. Voilà la prédication du trompettiste et la prédication de Jésus-Christ. Vraisemblablement Jésus ne jouait pas de trompette, mais il avait compris qu’il ne faut pas se fier à la première expérience, il ne faut pas s’arrêter à mi-chemin, il ne faut pas se mettre en vacances au lendemain de son baptême, mais il faut offrir toujours et sans cesse ce que nous avons reçu, parce que le monde a du mal à respirer, parce que le monde agonise, parce qu’il se noie, parce qu’il n’arrive plus à respirer. Viens et insuffle une louange de Dieu dans ce monde par Jésus-Christ ! Amen

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