Changer notre regard sur l’autre – Mars 2022

Comment regardons-nous notre prochain ? A vue d’homme, bien sûr ! Autrement dit, nous passons à côté de l’essentiel et nous ne voyons que l’accessoire, et cela, en général, de manière déséquilibrée, au détriment de l’autre et à notre propre avantage :

“Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère et ne remarques-tu pas la poutre qui est dans ton œil ?” (Matthieu 7:3)

Ce mois-ci, nous vous proposons de nous confronter à la Parole de Dieu pour enlever quelques poutres qui encombrent notre vision et changer ainsi notre regard sur l’autre, que nous envisagerons successivement en tant qu’étranger, en tant que non-croyant, en tant que pécheur.

SEMAINE 1 : CHANGER NOTRE REGARD SUR L’ETRANGER

QUESTION BÊTE ! Une circonstance dans laquelle vous vous êtes sentis très “étranger” ?

MERCI ! Avec le Psaume 121, louons l’Eternel, qui “gardera ton départ et ton arrivée”.

BIBLE ! Pour lancer la discussion autour du thème de la semaine, “Changer notre regard sur l’étranger,” lire d’abord les versets suivants du Premier Testament :

“Celui qui offre des sacrifices à d’autres dieux qu’à l’Eternel seul sera voué à l’extermination. Tu ne maltraiteras pas l’étranger et tu ne l’opprimeras pas, car vous avez été étrangers en Egypte” (Exode 22:19-20)

“Vous traiterez l’étranger en séjour parmi vous comme un Israélite, comme l’un de vous ; vous l’aimerez comme vous-mêmes, car vous avez été étrangers en Egypte. Je suis l’Eternel, votre Dieu” (Lévitique 19:34)

“Les terres ne se vendront pas de façon définitive, car c’est à moi que le pays appartient et vous êtes chez moi comme des étrangers et des immigrés” (Lévitique 25:23)

Lire ensuite Ephésiens 2:11-19. Vous pouvez choisir quelques questions parmi celles-ci pour entretenir la discussion sur le thème.

  • Dans votre existence quotidienne, dans votre travail, lors de voyages, vous est-il arrivé de mal vivre une relation avec un étranger, en raison de vos différences culturelles, spirituelles… ?
  • Est-il possible d’aimer votre tante préférée de la même façon qu’un migrant non francophone ?
  • Prendre soin d’un étranger venant d’un endroit où l’on vous a maltraités, ça vous paraîtrait compliqué ?
  • Qu’est-ce que l’Eglise de Jésus-Christ pourrait faire qu’elle ne fait pas, pour apprendre à ses membres à faire vraiment tomber les frontières entre eux ?
  • Qu’est-ce que l’Eglise de Jésus-Christ pourrait faire qu’elle ne fait pas, pour apprendre à ses membres à faire vraiment tomber les frontières avec des étrangers non-chrétiens ?

PRIONS ! Seigneur, je viens vers toi me repentir pour toutes les fois où je me suis senti dérangé, importuné, par l’étranger, pour toutes les fois où j’ai trouvé l’étranger encombrant, envahissant. Apprends-moi, Seigneur, à accueillir et à aimer l’étranger comme toi tu l’accueilles et Tu l’aimes.

LA REFLEXION ! L’étymologie du mot “étranger” (en latin, “extraneus” désigne ce qui est extérieur) rend bien compte de sa réalité : c’est dans l’espace que se définit l’étranger (celui qui est “dehors” et non “dedans”), tout comme son “alter ego”, le migrant.

Et il est facile de dater la première apparition d’étrangers, de migrants : elle remonte à Genèse 3:23, lorsqu’Adam et Eve sont chassés du Jardin d’Eden. La désobéissance originelle à Dieu fait que nous tous, les humains, sommes des descendants d’étrangers et des immigrés sur la terre. Ce rappel est utile pour nous aider à contrer l’usage surabondant et fantasmatique du concept d’autochtone dans l’imaginaire xénophobe.

L’étranger dans le Premier Testament
Du fait de l’élection par Dieu, la position du peuple d’Israël par rapport à l’étranger est a priori simple : Israël d’un côté, toutes les nations de l’autre. Cependant, lorsqu’Israël pense sa relation à l’étranger, il se regarde en quelque sorte au miroir, car le peuple de Dieu est lui-même un peuple étranger : Abraham, Isaac, Jacob, Joseph, étaient nomades, expatriés, migrants. Et si la libération des immigrés en Egypte par Moïse est pivotale dans l’histoire du peuple, elle l’est tout autant comme source des commandements, particulièrement à l’égard de l’étranger.

– Dans Exode 22, l’ordre d’apparition des deux versets proposés n’est pas anodin : le rejet des dieux étrangers, autrement dit la fidélité à Dieu, précède et conditionne la protection des étrangers. Le thème de la bienveillance vis-à-vis de l’étranger (qui est associé aux autres populations précaires, les veuves et les orphelins) apparaît de nombreuses fois dans la Torah, souvent en liaison avec la mémoire de l’esclavage en Egypte. Le fait que le peuple ait été étranger en Egypte justifie qu’il doive à son tour protéger l’étranger.

– Avec Lévitique 19:34, on “pousse le curseur”. Alors que, dans le même chapitre, quelques versets auparavant, il était question d’aimer son prochain, il s’agit maintenant d’’aimer son lointain. Le prochain ne vaut donc pas mieux que le lointain, ni le lointain moins que le prochain.

– En affirmant notre condition d’étranger, d’immigré sur la terre, Lévitique 25:23 nous rappelle que notre place dans la Création est celle du locataire, du fermier. En outre, ce verset fait écho à l’identité singulière du peuple de Dieu, qui reçut le don de la loi avant de se voir attribuer une terre.

L’étranger dans le Nouveau Testament
“J’étais étranger, et vous m’avez accueilli” : par ces mots prononcés dans Matthieu 25:35, Jésus manifeste son expérience vécue de la condition d’étranger. Il fut nomade, migrant, il n’eut pas où reposer sa tête, il fut enseveli dans un tombeau d’emprunt.

Non seulement Jésus fut un étranger, mais des étrangers croisèrent son chemin. Il en est de l’étranger, qui accueille et qui est accueilli, comme de l’hôte qui reçoit et qui est reçu.

Et, s’il envoie d’abord les douze vers les brebis perdues d’Israël, Jésus lui-même fait “bouger les lignes” durant son ministère, en guérissant la fille d’une Cananéenne ou le serviteur d’un officier romain, en laissant entendre à une Samaritaine qu’il est le Messie de Dieu…

– Après avoir bougé, les lignes disparaissent. Comme l’atteste Ephésiens 2:11-19, l’Evangile abat le mur de haine séparant Israël des nations. Le non-juif n’est plus étranger pour le-juif, le juif n’est plus étranger pour le non-juif, il n’y a plus d’étranger, la réconciliation des deux groupes en un seul corps s’opère à la croix. L’homme n’est plus étranger ou immigré pour l’autre : en Christ, il devient concitoyen du Royaume.

SEMAINE 2 : CHANGER NOTRE REGARD SUR “LE PECHEUR”

QUESTION BÊTE ! Selon vous, quelle est la mode vestimentaire (actuelle ou ancienne) qui n’aurait vraiment jamais dû exister ?

MERCI ! La gratitude et l’ingratitude sont tous les deux des modes de vie… Choisissons la gratitude ! Quels sont les sujets de reconnaissance des uns et des autres aujourd’hui ? Comment avons-nous vu Dieu à l’œuvre dernièrement ?

BIBLE ! Lire Ezéchiel 33,10-20 et discuter sur le thème de la semaine. Vous pouvez utiliser certaines questions parmi les suivantes pour lancer ou relancer la discussion :

  • Qu’est-ce que le texte dit de la volonté de Dieu pour les pécheurs ?
  • En quoi notre attitude envers les pécheurs peut-elle différer de celle de Dieu ?
  • Dans le texte, qui sont les pécheurs ?
  • Pourquoi ces paroles de Dieu sont-elles porteuses d’espoir pour vous aujourd’hui ?

PRIONS ! Seigneur nous reconnaissons que dans notre regard, le pécheur, c’est souvent l’autre. Nous oublions trop vite que nous sommes faits de la même pâte et autant dépendants de ta grâce que chacun. Pardon pour nos penchants moralistes et donneurs de leçons. Donne-nous de porter sur nous et sur les autres un regard plein d’espoir, teinté par la grâce offerte par Jésus sur la croix.

LA RÉFLEXION ! Le pécheur, c’est souvent l’autre, dans notre regard. Nous oublions vite que nous sommes, ou au moins que nous avons été pécheurs, fondamentalement. Les moralistes veulent lapider les pécheurs. Et Dieu, que veut-il, lui ?

Ce passage fait suite à la tirade d’Ezéchiel sur notre responsabilité en tant que veilleurs. Très beau passage, qui est malheureusement parfois perçu comme une autorisation à se faire donneurs de leçons pour les autres :

“Supposons ceci : Je dois prévenir un homme mauvais qu’il va mourir sûrement. Mais tu ne l’avertis pas, tu ne lui demandes pas de changer sa vie. Alors, cet homme mourra à cause de ses fautes, mais je te demanderai des comptes pour sa mort.” (Ezéchiel 33, 8 – PDV)

Nous sommes ainsi non seulement responsables de nous-mêmes devant Dieu, mais aussi des autres, car Dieu peut nous tenir grief de ne pas avoir dit à quelqu’un qu’il était en danger alors que Dieu nous avait averti.

Mais ce qui est très important pour notre thème dans ce passage dans ce passage, c’est le verset 11 :

“Eh bien, aussi vrai que je suis vivant, voici ce que je vous déclare, moi, le Seigneur DIEU : La mort des gens mauvais ne me fait pas plaisir. Ce que je veux, c’est qu’ils changent leurs façons de faire et qu’ils vivent. Je vous en prie, abandonnez vos habitudes mauvaises. Pourquoi mourir, Israélites ?” (Ezéchiel 33, 11 – PDV)

Dieu, contrairement aux religieux, ne veut pas la mort du pécheur, mais il veut qu’il vive ! La repentance est la clé de la vie en général, de l’apprentissage, du changement… Et surtout, de la vie nouvelle ! La repentance devrait être remboursée par la sécurité sociale !

Carl Jung aurait dit : “Les gens pourraient apprendre de leurs erreurs s’ils n’étaient pas si occupés à les nier.” Changer de regard sur le pécheur, c’est aussi changer de regard sur nous-mêmes !

SEMAINE 3 : CHANGER NOTRE REGARD SUR L’INCROYANT

QUESTION BÊTE ! Quelle est la nourriture la plus dégoûtante que vous vous soyez forcé à manger par politesse ?

MERCI ! Louons Dieu avec le Psaume 103 ! “Vous tous qu’il a créés, remerciez le SEIGNEUR, partout où il est roi ! Et moi, à mon tour, je dirai merci au SEIGNEUR.” (v.22 – PDV)

BIBLE ! Lire Marc 7, 24-31 et discuter sur le thème de la semaine. Vous pouvez utiliser certaines questions parmi les suivantes pour lancer ou relancer la discussion :

  • La première réponse de Jésus envers cette femme peut nous surprendre ! Comment l’expliquez-vous ?
  • Un changement s’opère dans le dialogue : quelle devient l’attitude de Jésus envers cette femme d’une autre religion que la sienne ?
  • En quoi pouvez-vous ressembler à cette femme ?
  • Qu’est-ce que Jésus nous enseigne sur le regard que nous pourrions porter sur les “incroyants” ?

PRIONS ! Prions pour bénir des personnes de notre entourage qui ne mettent pas leur foi en Jésus (certains “chrétiens” sont peut-être parmi elles !). Remettons à Dieu tout ce qui peut encore bloquer un dialogue vrai et plein d’amour avec eux, prions pour que notre relation les conduise à placer leur espoir en Jésus.

LA RÉFLEXION ! Dans certains discours chrétiens, ceux qui ne croient pas en Jésus, qu’ils soient non-croyants ou d’autres croyances, ne paraissent même pas être des personnes ! On parle “d’âmes à sauver” ! Expression qui en dit long… Déjà, Dieu veut sauver tout l’Homme et pas seulement son âme ! Mais surtout, ces personnes sont d’abord des créatures de Dieu.

Quelle que soit notre manière de parler de ceux qui ne croient pas comme nous, le risque de réduire l’autre à cette différence et de la laisser teinter négativement le regard que nous portons sur lui est toujours bien présent. C’était chose normale et admise au temps de Jésus… Sa culture était volontairement très communautariste. Aujourd’hui, dans une culture qui se veut plus individualiste et donc plus fluide et ouverte à la différence, notre rejet vis-à-vis de celui qui croit différemment relève plus souvent de l’inconscient ou bien de réalités qu’on admet plus confidentiellement. Il est bon en tout cas de prendre conscience de ce réflexe naturel : je regarde plus favorablement ceux qui me ressemblent ; et ceux qui sont différents rencontrent en moi un à priori plus négatif.

La Bible nous rapporte ici un moment de bascule dans la vie de Jésus et de ses disciples. Une illumination : ils doivent changer de regard. Cette femme étrangère (comme la samaritaine près du puit, d’ailleurs) ne croit pas comme eux, elle n’est pas juive. La première réponse de Jésus à sa demande nous heurte : il la compare quand même à un petit chien ! Mais elle n’a probablement pas choqué les disciples.

La réponse de la femme par contre montre que bien qu’étrangère et d’une autre religion, cette femme est capable de placer sa foi en Dieu, avec une humilité et une conviction qui feraient pâlir bien des juifs et des chrétiens ! Une porte s’ouvre, un dialogue est possible, un salut s’offre, qui prend une dimension universelle.

A l’époque, on pensait que Dieu ne désirait sauver que les membres du peuple élu. Le comportement des disciples et de Jésus reflète cette croyance. Aujourd’hui, par Jésus-Christ, grâce à la femme syro-phénicienne entre autres et surtout par la croix, on sait que Dieu veut sauver tout le monde. Notre attitude envers ceux qui ne croient pas comme nous reflète-t-elle cette croyance ?

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