Que ton Règne vienne (Notre Père – 3)

Prédication donnée au temple du Marais à Paris le 14 octobre 2007

Lectures bibliques :
1 Samuel 8
Matthieu 3:2
Luc 17:20-21

Prédication
Quand la SNCF a lancé la dernière version du TGV, qui roule allègrement à plus de 350 kilomètres par heure, elle a fait l’erreur dans les trois premiers jours de faire fonctionner le TGV sans chauffeur. L’erreur n’est pas là où l’on croit. Il n’y a pas besoin de chauffeur dans un TGV. D’une part parce qu’il n’y a pas de volant dans un train comme celui-là, et d’autre part, parce que tout est automatisé, et que, globalement, ça freine mieux qu’un Vélib.
Non, l’erreur, c’était seulement psychologique, parce que les gens étaient malades à la seule idée qu’ils roulaient à 350 à l’heure sans qu’il ait aucun humain à l’avant du train. C’est toujours rassurant de se dire qu’on ne sera pas le premier à être écrasé en cas d’accident.
Résultat, il a fallu mettre quelqu’un pour rassurer les gens. Cette personne ne sert à rien. Elle doit seulement appuyer sur un bouton toutes les trois minutes, pour faire savoir qu’elle ne dort pas. Ça n’aurait aucune incidence si elle dormait puisque le TGV peut marcher tout seul, mais ça rassure les voyageurs… et ça coûte moins cher qu’une cellule psychologique dans chaque gare.
Voilà assurément un métier d’avenir, « titilleur de bouton », pour la tranquillité des clients.

Y a-t-il vraiment quelqu’un pour piloter ?
En voilà une question fondamentale. Y a-t-il quelqu’un pour piloter le pays ? Il semble, et en tout cas on veut nous rassurer sur ce sujet, car il n’y a pas une minute où le président ne soit en train d’appuyer sur un bouton, pour que nous puissions voyager tranquilles pendant cinq ans.
Plus sérieusement, qui est au contrôle dans le véhicule Terre ? Toute une partie de l’humanité veut vivre sans Dieu et donc, elle s’agite pour croire qu’elle contrôle tout. A un moment ou à un autre, elle voit bien qu’en fait elle ne contrôle pas grand chose. A défaut de pouvoir être président des Etats-Unis et d’avoir le pouvoir de conduire la planète entière dans le mur, on peut toujours faire des films et se recycler en prix Nobel de la paix pour dire aux gens qu’ils vont dans le mur, grâce au collègue à qui on n’a pas su piquer sa place.
Les personnes qui accèdent à des responsabilités essayent de faire au mieux pour gérer, pour impulser des politiques, pour faire avancer les choses, mais il y a un jour ou l’autre un temps fatidique où elles se retrouvent dans la situation de ce brave cheminot à qui on avait promis la gloire d’être conducteur de TGV et qui se retrouve « titilleur de boutons », pour la tranquillité des clients et la pérennité du service public. Quelle déception, au bout de trois ans à conduire un TGV, de s’apercevoir que ça marche très bien sans nous…

Y’a-t-il quelqu’un pour piloter véritablement le vaisseau Terre ?
La réponse de la bible est paradoxale :
– d’une part c’est le diable, l’ennemi du Christ, qui est le prince de ce monde, et il règne à bien des égards parce que l’humanité refuse que ce soit le Seigneur qui règne vraiment.
– d’autre part c’est bien Dieu qui règne, mais il ne veut pas régner comme le fait son ennemi, il ne s’impose pas et attend que les humains reconnaissent et lui donnent la possibilité de régner.
En d’autres termes, cela veut dire qu’ultimement, c’est Dieu qui règne sur le monde, mais que nous sommes souvent en train de croire que c’est nous qui régnons, que c’est nous qui pilotons. En réalité, dès que nous volons les prérogatives de Dieu, nous recevons alors d’étranges cadeaux de la part de l’autre.
La façon dont Dieu règne est tout à fait différente de celle de son ennemi. L’ennemi du Christ règne comme les rois de la terre. A moins que ce soit l’inverse, que les rois de la terre copient le type de domination du diable. Ils dominent par l’oppression, par un contrôle toujours plus fort, par la mise en place de structures d’esclavage où chacun contrôle tout le monde, où l’on se retrouve liés par le regard de l’autre. A plus ou moins long terme on appelle ça une structure totalitaire.
Dieu, lui, pourrait très bien mettre en place un système comme celui-ci, mais en vérité, il souhaite une collaboration avec l’être humain. Il ne veut pas tout faire, il délègue, il laisse libre, il veut que son personnel apprenne, que ceux qui sont sous son autorité grandissent eux-mêmes en autorité, non pas pour dominer et écraser, mais pour servir et pour relever.
Ce Règne-là, Jésus nous dit qu’il s’est approché de nous.
Nous en vivons quelque chose au niveau de l’Église, quand celui qui est juge dans la société civile se retrouve ici sur le même banc que le taulard, qu’il prie pour lui et qu’il l’aide en fin de mois. Tout ça n’est pas logique. Les bons doivent être d’un côté et les méchants de l’autre. Mais Dieu brise toutes ces lois d’opposition qui ne sont pas les lois qui régissent son Royaume.
Il y a une échappatoire à la domination, pour ceux qui vivent aussi la dimension du Royaume, tout ceux qui ont laissé le règne de Dieu s’approcher d’eux. Car nous ne sommes, grâce au Christ, plus seulement soumis aux lois du monde, nous vivons une autre dimension d’existence. Nous faisons notre part, nous prenons des responsabilités dans la société, nous nous battons, nous nous engageons, mais nous savons qu’au-dessus, Dieu règne.
Et cette certitude est extrêmement libératrice car elle nous dispense de croire que c’est à nous de régner. Nous avons à administrer, mais pas à dominer. Nous exerçons une autorité spirituelle, mais nous n’avons aucun pouvoir. Nous avons une autorité parce que Jésus nous l’a donnée. Nous avons l’autorité pour marcher sur les scorpions, relever ceux qui vont vers la mort, guérir les malades et chasser les puissances spirituelles. Nous n’avons aucun pouvoir par nous-mêmes mais nous exerçons cette autorité à cause de ce qu’a dit et vécu Jésus-Christ, notre grand frère dans la foi.
Ainsi, alors que ce Royaume de Dieu paraît à la plupart de ceux qui nous entourent comme quelque chose de très lointain, nous, nous savons qu’il est proche et nous avons la responsabilité de le manifester.
Il nous est difficile d’expliquer dans l’absolu ce que veut dire cette dimension du Règne de Dieu, dont Jésus n’a parlé que par images.
Nous ne pouvons pas expliquer vraiment ce qu’est la résurrection, par exemple, mais nous pouvons parler de Laurent qui retrouve du travail après sept ans de chômage, de Lucile qui a été guérie par la prière d’une malformation cérébrale, de Caroline qui a arrêté de se droguer par la seule intervention de Dieu.
Nous ne pouvons pas expliquer vraiment ce que c’est d’être sauvé, mais nous pouvons témoigner qu’Aline est déjà morte deux fois cliniquement mais qu’elle est présente à nos côtés, qu’Antoine en a fini avec les obsessions de l’homosexualité, que Christian a accédé à des responsabilités parfaitement improbables et inattendues, par miracle.
Le Règne de Dieu s’approche, il ne vient pas d’une façon qu’on puisse le voir directement, mais l’on voit bien les conséquences : des personnes qui sont relevées, dont la vie est changée, transformée en profondeur. Ce n’est pas une image, c’est une réalité que le Seigneur illustre puissamment au sein de son Église. On n’y voit pas le vent, mais l’on voit les feuilles qui s’envolent.
Maintenant, il faut être bien conscient que ce qui est reçu de Dieu n’est reçu que dans la mesure où nous le laissons vraiment régner. Car il ne suffit pas de le proclamer, il faut le vivre, et il faut accepter toutes les révisions de vie que nécessite cette advenue de Dieu dans nos vies. Le Seigneur ne règne que là où on le laisse régner. Il ne règne que là où on lui demande de régner. Mais quand on le laisse faire, quand on lui demande d’intervenir, il ne déçoit pas.
Ne renvoyons pas aux calendes grecques ou à la fin du monde ce règne de Dieu dont Jésus nous a dit qu’il s’était approché de nous. N’éloignons pas Dieu de nos contemporains par nos discours, mais aidons-les à comprendre combien il est proche, comment il est proche.
Seigneur, que ton règne vienne ! Dans ma vie. Dans l’Église, dans notre pays. Que ton règne vienne ! Que tu puisses trouver un peuple prêt à être associé à ton règne, non pas pour prendre le pouvoir, mais pour étendre ta bénédiction sur le monde !
[Prière]
Amen

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