Etre "croyant" ou écouter Dieu ?

Prédication donnée le 24 février 2008 au temple du Marais

Lectures
1 Samuel 3 et Jean 12:42-50

Prédication
J’ai toujours été fasciné par les gens qui se disent croyants et non pratiquants. On comprend bien qu’ils essayent d’exprimer qu’ils croient en quelque chose et que ce qui est proposé par les Eglises ne leur convient pas. Mais ultimement, c’est bizarre de pouvoir penser qu’on puisse ne pas pratiquer sa foi. Pour ma part je suis footballeur non pratiquant, ce qui signifie que je n’ai pas touché un ballon depuis 1997. Je suis aussi nudiste non pratiquant, c’est-à-dire que ma pratique est très personnelle et limitée au passage dans la salle de bains hier soir et ce matin. Je suis aussi dealer de haschich non pratiquant, c’est-à-dire qu’à chaque fois que j’ai du haschich dans les mains je le revends à d’autres… mais je n’ai jamais eu de haschich dans les mains, donc j’ai mes raisons pour ne pas pratiquer !

La cohérence entre les pensées, les paroles et les actes fait partie des signes d’un encrage dans une foi profonde. C’est en tout cas ce à quoi Jésus-Christ nous appelle. Et il ne se contente pas de nous demander de le faire, il le fait lui-même. « Tout ce que je dis je le dis comme le Père me l’a dit » (Jean 12:50).
Avec Héli et Samuel nous avons deux profils d’écoute du Seigneur qu’il est très important de décrypter.

Deux types d’écoute
Héli, tout d’abord, est prêtre. Cela veut dire qu’il a été institué, mis en place, pour administrer le culte au Seigneur, près de l’arche d’alliance. Il a donc une fonction de médiation. Un prêtre est plus proche de Dieu que les autres membres du peuple – en tout cas c’est la définition du dictionnaire – puisqu’un prêtre est chargé de faire le trait d’union entre Dieu et les humains. Et notre cher Héli est assez ambivalent. D’un côté il est fidèle puisqu’il sait au bout de quelques minutes que c’est bien Dieu qui est en train d’appeler Samuel. Mais paradoxalement, Héli lui-même est dans une situation un peu compliquée dans la mesure où le Seigneur l’a déjà averti de graves dysfonctionnements familiaux et qu’Héli n’a rien fait. Nous dirons donc qu’Héli a une écoute sélective. C’est le cas de tout le monde. On comprends souvent mieux les choses pour les autres et les situations qu’ils ont à vivre que pour les propres enjeux de nos existences. Héli est présenté dans tout le paradoxe de son état : il est fidèle au point de faire advenir le jeune Samuel à la vraie dimension de sa vocation de prophète, mais lui-même il n’obéit pas à Dieu. Et, inversement, quand Samuel lui révèle le véritable projet de Dieu, il se soumet par une parole qui dit que tout ce que le Seigneur a prévu de faire, il le fait, sans qu’on puisse vraiment y résister.
Ne sommes-nous pas tous des Héli, nous qui sommes tous ici une nation de prêtres, intermédiaires entre Dieu et l’humanité ? N’avons-nous pas une écoute sélective, et cette tendance à rester dans le va-et-vient entre l’obéissance et la désobéissance ? Héli comprend quand Dieu se met à parler aux autres, mais il n’entend pas quand il s’agit de lui-même. C’est difficile. Et qui sommes-nous pour nous placer en juges ?

Samuel “Dieu a entendu”
Maintenant, le cas de Samuel est presque plus intéressant encore. Il habite dans le temple avec le prêtre. Il est en apprentissage dans le temple. Cela veut dire qu’il est croyant, mais plus que croyant, tout son temps est consacré à l’administration des choses du Seigneur. Mais pourtant, vous l’aurez bien entendu, Samuel ne connaît pas Dieu. Rien de moins, non, vous avez bien compris, il est dit que Samuel ne connaît pas Dieu : « Samuel ne connaît pas encore le Seigneur car celui-ci ne lui a jamais parlé » (1 Samuel 3:7). On ne dit pas que c’est de la faute de Samuel s’il n’a pas une relation personnelle avec le Seigneur. On dit juste dans le texte que c’est Dieu qui ne lui a jamais parlé en direct. On ne dit pas que Samuel a eu une écoute sélective, ou bien qu’il n’essaye pas de bien faire. Non, il veut bien faire, car quand il entend la voix qui lui parle dans la nuit, il ne fait pas comme s’il n’avait pas entendu, il ne fait pas semblant de dormir, il va voir Héli à plusieurs reprises, croyant que c’est le prêtre lui-même qui l’a appelé. C’est bien Dieu qui n’a encore jamais parlé à Samuel.
En somme Samuel est en relation avec Héli, mais il n’est pas en relation avec Dieu. On pourrait dire qu’il est en relation avec Dieu dans la mesure où c’est justement la fonction du prêtre que de relier les humains et Dieu. Dans le cadre d’une religion qui a des prêtres, c’est juste. Mais c’est précisément ce que le Seigneur vient contester dans cette histoire, il désire être directement en relation avec Samuel. Et à ce titre Héli est un bon prêtre puisqu’il va mettre finalement Samuel en relation avec Dieu…
De la même façon, quand nous sommes en relation avec Jésus, qui est le Grand Prêtre, nous sommes en relation avec Dieu le Père. Il le dit de maintes façons dans l’évangile de Jean notamment.
Voyez la pointe du texte : ce n’est donc pas un sujet de culpabilité si nous ne sommes en relation à Dieu qu’à travers l’unique Grand Prêtre aujourd’hui, à savoir Jésus-Christ. Ce n’est pas un problème de n’être en relation avec le Père que par la parole du Fils.
En revanche, il nous faut être vraiment vraiment vraiment en relation avec Jésus-Christ. Et c’est là où les choses sont plus compliquées. Qui a vu Jésus a vu le Père. Avez-vous une relation fréquente et régulière avec Jésus-Christ, de la même nature que celle de Samuel avec Héli ?
Comprenez bien que ce texte nous dit qu’on peut fréquenter le temple très régulièrement, voire même être en formation biblique, voire être doté d’un ministère et ne pas connaître Dieu. Est-ce que Dieu te parle et est-ce que tu parles à Dieu ? Voilà la question.

Au-delà des culpabilités
Ce texte est formidable, car, comme j’ai essayé de le souligner, il ne fait pas de cette histoire un support pour la culpabilisation : « Oh, mais comment se fait-il que tu ne fasses pas ci, que tu ne vives pas ça, etc. ». C’est au contraire un texte qui cultive des paradoxes entre un prêtre maudit par Dieu, mais qui fait finalement pas si mal son boulot, et un prophète zélé qui n’a jamais entendu la voix de Dieu… Nous sommes certainement nous aussi dans les flots de ces paradoxes. L’enjeu n’est donc pas celui de répondre à des critères, mais d’être bien disposés, prêts à recevoir une parole de Dieu, disponibles pour que le Seigneur nous parle, prêts à nous lever la nuit si c’est le temps où Dieu veut travailler avec nous, prêts à écouter surtout : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute ». A chacun se pose cette question : suis-je le serviteur de la Cause protestante ? suis-je le serviteur de l’association cultuelle Église Réformée du Marais ? suis-je le serviteur de la chrétienté confrontée à l’islam ? ou suis-je le serviteur du Dieu vivant, disponible à ses appels, plutôt que tendu dans une posture de combat comme si les arts martiaux étaient un modèle de spiritualité ?
Alors soyez croyants, pour être comme Samuel qui savait qu’il existait un Dieu mais pas plus. Mais Dieu n’a pas voulu faire des croyants, il a voulu faire des disciples à l’écoute de leur Maître Jésus-Christ. Il a voulu faire des prophètes qui prennent la parole pour changer le monde. Il a voulu faire des apôtres qui acceptent de lâcher prise pour devenir porteurs d’un message et fondateurs de communautés chrétiennes où resplendisses la gloire du Seigneur.
Oui, soyez croyants, mais soyez surtout des pratiquants de l’écoute de la voix de Dieu, des pratiquants de l’obéissance à la volonté de Dieu, des pratiquants de l’amour en action comme l’a fait Jésus, des pratiquants d’une logique de service qui n’a rien à voir avec les services du monde.

Nous prions…

Amen

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