Être fiable devant Dieu et les Hommes

Prédication donnée au Temple du Marais le dimanche 20 février 2008

Lire Esaïe 62:1-5
Par amour pour toi, Jérusalem, je ne me tairai pas.
Par amour pour toi, Sion, je ne resterai pas sans agir.
J’attends que ta libération paraisse comme la lumière du matin,
et que ton salut brille comme une lampe allumée.
Alors tous les peuples verront
que le Seigneur t’a sauvée,
et tous les rois verront ton honneur.
Alors tu recevras un nouveau nom,
que le Seigneur choisira.
Tu seras comme une couronne magnifique
dans la main du Seigneur,
un turban royal dans la main de ton Dieu.
On ne t’appellera plus
« celle qui est abandonnée »,
on ne dira plus de ton pays
« c’est un désert de tristesse ».
Au contraire, on t’appellera
« celle qui plaît au Seigneur »,
et on dira de ta terre
« la bien mariée ».
Oui, tu plairas vraiment au Seigneur,
et ta terre aura un mari.
Comme le fiancé se marie avec sa fiancée,
ainsi celui qui te reconstruit sera un mari pour toi.
Comme une fiancée fait la joie de son fiancé,
tu feras la joie de ton Dieu.

Prédication
Quand vous rentrez dans une voiture pour partir pour un voyage de plusieurs centaines de kilomètres, dans la mesure où tout va bien dans votre tête, vous ne vous demandez pas si le volant est bien accroché à la direction. Pourtant c’est vrai qu’un volant mal accroché, c’est somme toute assez dangereux.
Quand vous mangez un steack dans un restaurant de la place de la Bastille, normalement vous ne demandez pas à voir les certificats de traçabilité de la viande. Pourtant c’est vrai qu’une vache qui a brouté son herbe grasse au pied de la centrale de Tchernobyl ne produit pas une viande excellente pour la santé.
Quand vous postez des clefs pour les rendre à quelqu’un, vous ne vous demandez pas si le facteur a un gros casier judiciaire et s’il sera tenté d’ouvrir le paquet pour en faire un usage qui déplairait au destinataire du colis.

Vous voyez dans ces trois situations, le volant, le bifteck et la clé, que finalement, nous sommes obligés de faire confiance et que ce n’est normalement pas un effort que de faire confiance. Maintenant, si j’ai pris ces trois exemples, c’est en pensant à ce taxi
que j’avais pris au Yémen et dont le chauffeur s’amusait à décrocher le volant pour faire peur aux clients, c’est aussi en pensant à ce restaurant au Bénin où le poulet qu’on nous avait servir avait quand même d’étranges pattes de rat de rivière, ou encore à de nombreux déboires avec les services postaux, en Afrique ou en France. Si j’ai choisi ces trois situations c’est parce que j’aurais de bonne raison d’avoir perdu confiance avec les chauffeurs, les restaurateurs et les postiers. Et j’aurais pu rajouter les médecins, avec notamment ce fameux généraliste qui, l’année de mes 27 ans, m’a prescrit des antibiotiques en spécifiant sur l’ordonnance, grâce à son nouvel ordinateur, qu’il fallait que je prenne ces antibiotiques trois fois par jour, juste après le biberon…

Bref, il faut faire confiance, même si l’on a vécu des expériences dont l’ennemi du Christ aimerait bien qu’elles nous installent dans une sorte de paranoïa, un sentiment d’insécurité profonde.
Nous avons confiance dans ce qui nous paraît fiable.

Mais qu’est-ce que la fiabilité ?
Culturellement, parce que nous sommes dans une société technicienne, il nous semble que ce qui est fiable, c’est ce qui est technologique et scientifique. Or, on sait bien que ce qui caractérise l’ère de la technologie, c’est la panne. Dépanneur est LE métier d’avenir. Car plus il y a de technique et plus il y a de panne. Mais, pourtant, c’est vrai, les choses marchent bien en général quand elles sont quelque peu automatisées.
La technologie est la science nous rassurent. Les experts nous rassurent. Maintenant, vous ne pouvez plus avoir un avis sans que soit mobilisé un expert. Et on ne sait pas toujours ce qui fait l’expertise de l’expert, mais ça rassure qu’il y ait un expert. Ca va loin, jusque dans nos Eglises, car plutôt que de transmettre la foi comme ça s’est fait de générations en générations, aujourd’hui, il faut confier ses enfants à des experts de la foi, à des catéchismes, des instructions religieuses, des écoles du dimanche, etc. où des gens supposés savoir sont aussi supposés transmettre de façon fiable… une connaissance biblique, voire la foi elle-même. Voici un beau leurre.
Ce qui est fiable, c’est donc ce qui est technique, scientifique, accrédité par un expert. C’est aussi ce qui a un label. NF, iso 9002. Savez-vous que les agences d’accréditations se sentent aptes à tout accréditer. Si nous leur demandions une accréditation pour la prédication du dimanche d’une Église protestante, ils produiraient leurs grilles de méthodologies et nous diraient paisiblement si le culte est valable ou pas. Ce sont des experts, ils sont capables de tout labelliser. Mais seriez-vous plus avancés ?

Qu’est-ce qui est fiable ?
En réalité, je crois que ces conceptions techniciennes de la fiabilité sont erronées. Car pour l’humain, ce qui est fiable, c’est surtout la parole de l’autre. Une parole qui n’est pas mise en défaut. Une parole tenue, voilà la fiabilité profonde. Nous pouvons établir, tout seuls ou avec l’aide d’experts, des tas de grilles d’analyse de la fiabilité, il n’empêche que si quelqu’un que nous aimons nous dit : « C’est bon, tu peux y aller », là ça tient bien.
En hébreu, la fiabilité se dit d’un mot qui est de la même racine que le mot « Amen ». Et cette racine évoque la caravane de chameaux qu’on attache les uns aux autres pour pouvoir traverser en sécurité un désert. La fiabilité, c’est le lien qui unit le chamelier qui est à l’arrière de la caravane, avec le chamelier qui est devant la caravane. Et ce lien, c’est la confiance fondamentale que, quand il crie « Amen », cela veut dire qu’il a vérifié les cordages entre chaque chameau, que tout tient bien, qu’on peut y aller, que se mettre en marche n’est pas quelque chose de dangereux, et qu’on va y arriver.
La fiabilité n’est donc pas une question de technique, mais c’est une question de parole, à la base, humainement. Et cela vaut pour l’humanité entière.

Fiable pour Dieu
Mais maintenant, voyons quelle est la définition de la fiabilité selon Dieu, car là, vous allez voir, nous changeons de registre et de catégorie.
Avez-vous remarqué que « fiabilité » est un mot de la même famille que le mot « fiancé » ? Un fiancé, une fiancée, c’est celui à qui l’on a donné toute sa confiance par une parole. Quand on est fiancés, on est liés l’un à l’autre par de la parole et par rien d’autre, pas de contrat civil, pas d’acte notarié, rien de tout cela, et pourtant voilà quelque chose d’hyper solide. Qu’y a-t-il de plus fort dans une existence que l’expérience de confiance qui réside dans les fiançailles : ne tenir ferme par aucun autre artifice que par la seule parole échangée. Mais ce qui compte plus encore que cette confiance arrimée par de la parole, c’est surtout l’amour qui passe entre le fiancé et la fiancée. C’est dire que la parole peut structurer la fiabilité, mais que pour Dieu, en réalité, la fiabilité doit être du registre des fiançailles, d’une entente que l’amour motive.
C’est ainsi que Dieu a toujours voulu dans les Ecritures bibliques présenter son mode de relation à l’humain comme étant quelque chose de l’ordre des fiançailles. Dieu est un fiancé qui offre à sa belle, le croyant, le peuple, l’Église, un fiancé qui offre à sa belle les plus beaux cadeaux car il est fou d’amour pour elle. Toi, écoute la parole de ton fiancé :
« Tu es très belle, mon amie, et tu es parfaite.
Viens avec moi du Liban, ma fiancée, viens avec moi du Liban.
Descends des montagnes de l’Amana, du Senir et de l’Hermon.
Quitte ces abris des lions, ces montagnes à léopards.
Tu me fais perdre la tête, petite soeur, ma fiancée,
tu me fais perdre la tête par un seul de tes regards,
par une seule perle de tes colliers.
Comme elle est merveilleuse, ta tendresse, ma fiancée !
Elle est plus délicieuse que le vin !
L’odeur de tes parfums est plus agréable que tous les parfums précieux.
Ton baiser a la douceur du miel.
Du miel et du lait se cachent sous ta langue.
Tes vêtements ont l’odeur des forêts du Liban.
Tu es mon jardin privé, ma fiancée,
la source qui m’appartient, ma fontaine réservée.
Tu as la fraîcheur d’une plantation de paradis,
peuplée de grenadiers aux fruits délicieux.
Là poussent des plantes de bonne odeur: le henné et le nard,
le safran, le laurier et la cannelle, tous les arbres à encens,
la myrrhe et l’aloès avec les parfums les plus délicats. »

Fiabilité amoureuse
Voici en quoi réside donc la fiabilité de Dieu, c’est qu’il est fou d’amour pour son peuple et fou d’amour pour chacun.
Alors, vous vous en doutez, la question n’est pas de savoir si Dieu est fiable. Il l’est puisqu’il tient parole, lui, et que sa parole est portée par un amour infini.
La question c’est plutôt de savoir si nous-mêmes nous sommes dans le même registre de sentiment en retour.
Est-ce que Dieu peut compter sur notre parole ?
Est-ce que Dieu peut être assuré que nous sommes débordants d’amour à son égard ?
C’est évident que nous sommes moins fiables que Dieu, mais nous devons rentrer à son égard, plus profondément de jour en jour, dans cette relation de confiance par la parole et l’amour débordant.

Un choix, peut-être ?
Maintenant, si nous sommes cohérents, nous devons bien comprendre que cela ne peut pas être sans conséquence par rapport à nos relations avec les autres êtres humains. Car sinon, il suffirait d’être hors du monde, avec Dieu notre fiancé, pour filer le parfait amour, vivant heureux, vivant cachés.
Voilà l’ambition du Seigneur pour nous, que nous nous convertissions progressivement.
Puissions-nous passer d’une fiabilité technicienne à une fiabilité relationnelle.
Puissions-nous passer d’une confiance basique à une confiance profonde en la parole des autres.
Puissions-nous passer d’une confiance factuelle en la parole des autres, à une confiance débordante d’amour.
Car si nous choisissons le parti de la confiance, c’est bien parce que le Seigneur nous a habilités à vivre cela contre toute vraisemblance, contre tout bon sens, contre tout pragmatisme, qui nous pousseraient à être des gens prudents et méfiants.
Oui, qu’à l’égard des autres, nous puissions entrer dans une nouvelle dimension de confiance, qui soit de l’ordre des fiançailles plutôt que de l’ordre du certificat. Car si Dieu donne tout son amour à ces personnes que nous, nous avons tant de mal à aimer, ça veut dire que soit c’est nous qui nous trompons, soit c’est Dieu.
Alors, à votre avis, qui doit réévaluer sa position, Dieu ou nous ?
Amen

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