Le vin, la coupe… le sang ? – Avril 2023

Le vin, le sang : l’un renvoie une image appétissante, raffinée et joyeuse, l’autre dramatique, répugnante, inquiétante. Les deux sont rassemblés dans la phrase prononcée régulièrement dans les cérémonies chrétiennes depuis des millénaires :

“[Jésus] prit ensuite une coupe de vin et, après avoir remercié Dieu, il la leur donna en disant : « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’alliance de Dieu qui est versé pour une multitude de gens, pour le pardon des péchés. Je vous le déclare : dès maintenant, je ne boirai plus de ce fruit de la vigne jusqu’au jour où je le boirai nouveau avec vous dans le règne de mon Père. »” (Matthieu 26, 27-29)

Nous vous proposons ce mois-ci de méditer ensemble sur ces symboles intemporels et si riches que sont le vin, la coupe et le sang. Plus que des rites sans âges, ils peuvent devenir, partagés dans la foi, par l’Esprit Saint, de puissants instruments de communion avec Dieu et avec son œuvre de salut célébrée à Pâques.

Découvrons ensemble la profondeur du partage du vin, de la coupe et du sang, vivons nos dimanches différemment !

Pour aller plus loin, nous vous recommandons la lecture de Maurice COCAGNAC, Les symboles bibliques Lexique Théologique, Paris, Cerf 1999. Pages 159-166 dont ces notes sont inspirées.

SEMAINE 1 : LE VIN,

 

QUESTION BÊTE ! De 1 à 5, à quel point vous comprenez le sens de la sainte cène au culte ? 

MERCI ! Louons Dieu avec le Psaume 104 : “Tu fais pousser l’herbe pour le bétail, et les plantes que les humains cultivent. Ainsi la terre leur fournit de quoi vivre : du vin pour réjouir leur cœur, de l’huile pour leur donner bonne mine, et du pain pour leur rendre des forces.” (v.14 et 15)

BIBLE ! Lisez Esaïe 25, 1-10 qui décrit le “festin messianique,” image du Royaume de Dieu. Partagez autour du lien entre ce texte et la sainte cène. Ces questions peuvent aider à lancer ou relancer la discussion :

  1. Qu’évoque pour vous le vin, en général ? 
  2. Pourquoi est-il possible de voir la sainte cène comme un repas de fête ?
  3. Quels liens faîtes-vous entre le banquet décrit dans la prophétie d’Esaïe d’une part et la mort à la croix et la résurrection de Jésus d’autre part ? 
  4. Par Jésus nous sommes conviés à un banquet célébrant la suppression de la tristesse. Quelles tristesses, quelles blessures vous font encore souffrir aujourd’hui ?

PRIONS ! Seigneur, quel honneur d’être invité à ta table ! Oui, nous voulons célébrer avec toi ta victoire sur la mort, l’humiliation de l’oppresseur et notre salut éternel ! Oui, nous voulons nous réjouir et célébrer de tout cœur car par la foi, par ton Esprit Saint, les réalités de ton Royaume envahissent déjà nos vies !

LA RÉFLEXION ! Le festin décrit par Esaïe est une image du Royaume de Dieu, ce qui est, dans la culture populaire, appelé “paradis”. Voilà un banquet, qui célèbre la fin de toute souffrance et la suppression de la mort.

Le festin, composé de “vins fins bien décantés” et de “viandes tendres et grasses” semble avoir été décrit par un prophète sachant apprécier les plaisirs de la chair. Sans aucun doute, il saura réjouir et faire saliver les plus gourmands d’entre nous ! Cette description du Royaume de Dieu est la description d’un bonheur complet pour les humains que nous sommes : le corps est bien pris en compte, tout comme les émotions.

Nos joies et nos délices de ce monde deviennent donc des signes qui nous parlent de l’avenir en Jésus : entendant le plus franc des rires, nous pouvons penser au Royaume : ce sera un peu comme ça ! Nos malheurs et nos privations aussi nous en parlent, en négatif : ces choses n’existeront plus, nous en seront libérés, consolés.

Le vin réchauffera les cœurs après le long hiver du deuil.

Mais le plus grand des bonheurs annoncés par le prophète est certainement dans la nature de l’hôte de ce banquet lui-même. On ne se réjouit pas de la même manière si on est invité par un ami cher ou par quelqu’un que nous apprécions peu. De même, certaines invitations sont un grand honneur, parce que la personne qui invite est quelqu’un que nous admirons et respectons particulièrement. Invités par un personnage important, on se sent important nous aussi.

Dieu est l’hôte de ce banquet : un hôte généreux, attentionné, joyeux… quel bonheur ce doit être de manger à cette table !

Si ce banquet est nommé festin messianique, c’est parce qu’il fait référence à un libérateur à venir, envoyé par Dieu dont le combat et la victoire ouvrira une ère de gloire, de paix et de prospérité. Ce libérateur, appelé le Messie, ou le Christ (“oint” : choisi de Dieu), est Jésus-Christ.

Jésus lui-même évoque le banquet de la fin des temps à plusieurs reprises (Mt 8,11, Mt 22,1-14) mais sa plus belle référence à celui-ci est sans aucun doute celle qui est citée en Matthieu 26,29 : “Je vous le déclare : dès maintenant, je ne boirai plus de ce fruit de la vigne jusqu’au jour où je le boirai nouveau avec vous dans le règne de mon Père.”

C’est avec cette référence qu’il institue la Sainte Cène, le repas cérémoniel composé de pain et de vin qui occupe une si grande place dans le culte chrétien, depuis l’origine.

Ce repas que Jésus a partagé avec ses disciples avant d’être arrêté est une préfiguration du Royaume de Dieu. C’est aussi ce qu’est la sainte cène que nous partageons ensemble lors du culte. Ce repas célèbre la victoire de Jésus sur la mort et toute oppression sur son peuple, victoire qu’il a acquise par sa mort sur la croix et sa résurrection.

Quand nous buvons le vin de la sainte cène, nous participons donc à cette fête éternelle, à cette grande tablée rassemblant l’assemblée innombrable des saints et dont l’hôte généreux et joyeux est ni plus ni moins que Dieu en personne.

Quand nous buvons le vin de la sainte cène, nous célébrons, parfois avec insolence, la défaite de la mort, la fin du deuil, le silence des tyrans devant nos chants de victoire.

Santé !

SEMAINE 2 : LA COUPE…

QUESTION BÊTE ! Diriez-vous que participer à la sainte cène est très important pour vous ?

MERCI ! Louons Dieu avec le Psaume 23 : “Tu prépares un banquet pour moi. Tu m’accueilles en versant sur ma tête de l’huile parfumée. Tu remplis ma coupe, elle déborde. Oui, le bonheur et la grâce m’accompagneront tous les jours de ma vie !” (v.5 et 6)

BIBLE ! Lisez 1 Corinthiens 10, 14-33 qui utilise l’image du fait de boire à une même coupe pour parler de solidarité. A la suite de Paul, questionnez vos différentes solidarités, dans le culte et dans la vie. Les questions ci-dessous pourront vous aider à alimenter la conversation.

  • Le verset 16 est très fort : que signifie pour vous boire à la coupe du Seigneur ?
  • Le verset 17 pousse l’idée de la communion plus loin encore : comment vivez-vous de votre côté le fait de partager le même pain avec les membres de l’Eglise ?
  • D’après ce passage, que pouvait signifier boire “à la coupe des démons” pour les chrétiens de Corinthe ?
  • Lesquelles de vos solidarités ou communions pourraient-elles faire concurrence à votre union avec Dieu aujourd’hui ?

PRIONS ! Oui, tu dresses devant nous une table et notre coupe déborde ! Quel bonheur de vivre dans ta maison, d’être au bénéfice de ton amour, de ta fidélité et de ta grâce. Rends-nous attentifs à nos autres fidélités, peut-être non-identifiées jusqu’à maintenant… à des principes, des personnes, des dettes, des craintes, des addictions… si certaines font partie et nourrissent notre communion avec toi, d’autres nous en éloignent parce qu’elles sont le signe que nous espérons notre bonheur ailleurs qu’en toi. Nous voulons prendre position maintenant, nous offrir de nouveau à toi et rompre radicalement avec tous les faux dieux de notre vie.

LA RÉFLEXION ! Dans ce texte, il semble que le fait de partager la coupe de Dieu implique aussi une solidarité exclusive avec lui, y compris en dehors des contextes de culte et de cérémonie.

Jésus lui-même explicite le symbole de la coupe lors du dernier repas : “Cette coupe est la nouvelle alliance, qui est conclue grâce à mon sang versé pour vous.” (Luc 22,20). La coupe de la sainte cène, partagée régulièrement par les disciples dès la résurrection de Jésus et même après son ascension et après la pentecôte, est donc la coupe de l’Alliance avec Dieu, renouvelée par le sang de Jésus.

Pour comprendre le sens de ce charabia, la lecture de l’ancien testament et la compréhension du culte dans les temps originels du judaïsme, aide beaucoup. Mais la coupe est aussi un élément de la vie quotidienne et son premier usage, comme un verre, tout simplement, nous aide à comprendre le sens de la sainte cène. 

En effet, par sa nature, la coupe est depuis la nuit des temps un symbole de communion entre les gens : elle circulait dans les banquets comme signe de l’amitié partagée, les parents donnaient à boire à leurs enfants dans leur propre coupe.

Dans le Psaume 23, on voit qu’elle est aussi le signe de la communion avec Dieu, toujours avec l’image du banquet : “Face à ceux qui me veulent du mal, tu prépares un banquet pour moi. Tu m’accueilles en versant sur ma tête de l’huile parfumée. Tu remplis ma coupe, elle déborde. Oui, le bonheur et la grâce m’accompagneront tous les jours de ma vie ! Seigneur, je reviendrai dans ta maison aussi longtemps que je vivrai.”

Mais toute communion peut être abîmée. Ainsi, le péché peut rompre la communion avec Dieu. Le sacrifice d’expiation devient alors nécessaire. Il comporte, selon les descriptions de la Torah, un rite d’aspersion par le sang de l’animal sacrifié, qui est le prix du péché. Ainsi, parmi les objets liturgiques du temple ancien, les “coupes d’aspersion” sont souvent mentionnées. On en voit l’exemple en Nombres 4,14 : “ils y placeront tous les accessoires utilisés lors des sacrifices, les brûle-parfums, les fourchettes à viande, les pelles et les bols à aspersion ; ils déploieront sur le tout une solide housse de cuir et ils mettront en place les barres pour le transport.”

Mais comme il est possible d’offrir des sacrifices à Dieu, il est aussi possible de vivre une communion avec les démons, de participer au culte de dieux étrangers (Deutéronome 32,17). Tout au long de l’histoire d’Israël, la tentation de l’idolâtrie est réelle et menace la communion entre Dieu et son peuple. La coupe de cette communion est alors la coupe de la rupture avec Dieu. L’idolâtrie est souvent présentée comme le plus grave des péchés, suscitant la jalousie et la colère de Dieu, qui désire une relation exclusive avec son peuple.

C’est ainsi que la coupe peut aussi être symbole de colère et de châtiment. C’est celle-ci que Jésus redoute dans le jardin de Gethsémané, dans la nuit de son arrestation : “Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe de douleur. Toutefois, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne.” (Luc 22,42)

Parce que quand il donne sa vie sur la croix, Jésus, innocent de tout péché, boit lui-même “jusqu’à la lie” la coupe de la colère de Dieu pour le péché de l’humanité, il devient, en personne, le sacrifice qui réconcilie l’humanité à Dieu. 

il a bu cette coupe pour que nous n’ayons pas à la boire. Et à la place il nous donne celle de la communion, celle de la fête, celle de la bénédiction : “Je lèverai la coupe des délivrances et j’appellerai le Seigneur par son nom.” (Ps 116, 13)

Coupe de la communion, coupes de la rupture, coupe unique du sacrifice de la réconciliation, coupe délicieuse des bénédictions et des délivrances. Devenons attentifs à ce que nous portons à nos lèvres, à nos dépendances et solidarités le dimanche et en semaine… et à l’exclusivisme jaloux du Dieu qui nous a rachetés.

SEMAINE 3 : LE SANG ?

 

QUESTION BÊTE ! Le sang, ça évoque quoi pour vous ? 

MERCI ! Louons Dieu avec les mots de l’Apocalypse : “Ils chantaient un chant nouveau : « Tu es digne de prendre le livre et d’en briser les attaches. Car tu as été mis à mort et, en donnant ta vie, tu as racheté pour Dieu des gens de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de tout pays. Tu en as fait, pour servir notre Dieu, un royaume de prêtres, et ils régneront sur la terre. »” (chapitre 5, versets 9 et 10)

BIBLE ! Lisez Exode 24, 1-18 et Luc 22,14-20, qui parlent de sang versé et d’alliance entre Dieu et son peuple. Parlez du lien entre ces alliances et la sainte cène.

  • Quelles similitudes percevez-vous entre ces deux gestes d’alliance ?
  • Quelles différences pouvez-vous repérer entre le sang versé dans le désert et celui versé sur la croix à Jérusalem ?
  • Comment la mise en parallèle de ces deux textes éclaire votre perception de la sainte cène ? 

PRIONS ! Merci pour le sacrifice de ton Fils. Merci pour la manière dont tu nous unis à toi, par amour. Merci Jésus, d’avoir laissé répandre ton sang innocent pour racheter nos nombreux péchés et nous rendre, à ta suite, innocents. Que ta vie en nous nous fortifie dans la communion avec toi et nous transforme toujours plus à ta ressemblance.

LA RÉFLEXION ! La Bible parle beaucoup du sang… ce qui peut surprendre ! La Torah précise que le sang des animaux ne peut pas être consommé, le sang des règles suscite un temps d’impureté chez les femmes, le sang de l’agneau sacrifié est un signe salutaire sur les portes des Hébreux la nuit de Pâque, le sang est aussi au centre de plusieurs rituels religieux : on en asperge sur des vêtements pour les consacrer, on le verse sur l’autel, on plonge des objets dedans…

Si le sang occupe une si grande place dans la vie religieuse d’Israël, c’est parce qu’il est considéré comme le fluide contenant la vie. En tant que tel, il est sacré, dans le sens qu’il appartient à Dieu seul : le créateur, le propriétaire et le dispensateur de la vie. 

Dans le récit qui nous est fait de la première alliance conclue entre Dieu et son peuple, c’est l’aspersion du peuple avec le sang du sacrifice qui vient sceller l’union. Le verset 8 “ Voici le sang de l’alliance que le SEIGNEUR a conclue avec vous” (NBS) … “en vous donnant tous ces commandements” (BFC). Est repris par Jésus lorsqu’il institue la sainte cène, paroles rapportées notamment par Luc : “Cette coupe est la nouvelle alliance, qui est conclue grâce à mon sang versé pour vous.” (Luc 22,20) et par Marc : “Ceci est mon sang, le sang de l’alliance de Dieu qui est versé pour une multitude de gens.” (Marc 14,24).

La référence que la sainte cène fait à la première alliance est donc explicite, par les mots mais aussi par la présence du sang versé et offert au peuple de Dieu.

Mais quelques différences entre l’ancienne et la nouvelle alliance sont quand même notables : 

  • Dans l’ancienne alliance, le sacrifice confirme l’alliance qui a été conclue par le don de la loi, tandis que dans la nouvelle, c’est le sacrifice lui-même qui est le geste concluant l’alliance.
  • Dans l’ancienne alliance, le peuple fournit le sacrifice, offert à Dieu puis partagé entre Dieu et le peuple. Dans la nouvelle alliance, c’est Dieu lui-même qui offre le sacrifice, qui est sa propre chair et son propre sang, partagés avec son peuple.
  • Dans l’ancienne alliance, le sang est projeté sur le peuple qui le reçoit donc sur sa peau et ses habits, dans la nouvelle alliance, le peuple l’ingère, et le digère : la vie de Jésus, ainsi offerte, se répand à l’intérieur de chacun et se mêle aux organismes des participants au rituel. Symboliquement, la vie, qui appartient à Dieu, est enfin pleinement offerte au peuple qui, sacrilège !, non seulement boit du sang, mais pire encore : boit celui de Dieu en personne.

Ces différences nous permettent aussi d’apprécier les similitudes entre les deux alliances : 

  • Dans les 2 cas, le sacrifice est un sacrifice de communion, déclarant une unité renouvelée entre Dieu et son peuple.
  • Dans les deux cas, la parole de Dieu est offerte, puisque Jean appelle Jésus la Parole de Dieu et que Jésus affirme être celui qui accomplit la loi de Dieu, en nous.

Quand Jésus a tendu la coupe à ses disciples, la veille de son sacrifice sur la croix, celle-ci était pleine de vin. Mais le lendemain, c’est vraiment son sang qui a coulé sur le bois. 

Aujourd’hui, quand nous buvons ce vin en souvenir de son sacrifice, celui-ci est vraiment “le sang” de l’alliance qui nous unit à Dieu éternellement. 

Il est vraiment la vie de Dieu, éternelle, qui envahit nos organismes, la présence de Dieu qui se mêle à nos êtres et nous transforme de l’intérieur. 

L’objet, le vin, n’a rien de divin en lui-même, mais il devient, par l’Esprit Saint et notre foi, le vecteur de la présence de Dieu au cœur de nos vies. Il nous met personnellement au bénéfice du don que Christ a perpétré pour la multitude, à la croix.

Il est pour nous le sang du Christ.

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