Délivre-nous du malin (Notre Père 8)

Prédication dans le cycle du Notre Père

Lectures bibliques :
Luc 4:1-37
Matthieu 6 : le Notre Père

Prédication
Jésus commence son ministère avec la joie et la force d’une tentation durant laquelle il n’a pas chuté. Il a été baptisé. Il a été éprouvé, il a passé l’épreuve, et le voilà maintenant revêtu de la puissance du Saint-Esprit.
C’est donc le début d’un ministère pastoral, et il est très intéressant de voir quelles sont les priorités que Jésus va mettre dans sa tâche dans ce commencement d’une nouvelle activité.
La première chose qu’il va faire, c’est de lire la bible. Pour nous rappeler que notre foi ne peut pas s’ancrer en autre chose que dans la révélation des Ecritures.
La deuxième action, c’est, bien entendu de prêcher sur le texte du jour — certains ont du mal à le faire. Et ce texte parle de guérisons, de résurrections, de libérations. Jésus actualise le texte biblique en disant qu’il ne s’agit pas seulement d’une vieille parole mais d’une parole puissante pour aujourd’hui.
Mais il ne se contente pas de prêcher, puisque dans la deuxième synagogue où il va, qui est la synagogue de Capernaüm, il passe à l’action. Il vient de dire que nous devions être libéré ? Eh bien dès son deuxième culte, le pasteur Jésus délivre un paroissien d’un esprit mauvais, d’un démon qui était en lui, alors que le brave bonhomme devait être un habitué du lieu, et qu’il chauffait les bancs tous les soirs de Shabbat depuis des années.
Dans le Notre Père, la demande « délivre-nous du mal » est la deuxième partie d’une phrase qui a commencé avec « et ne nous soumets pas à la tentation ». Nous entendions dimanche dernier que c’est bien Dieu qui laisse faire la tentation. On nous a rappelé que la tentation n’est pas un processus où Dieu autorise Satan à « s’amuser » avec les humains comme un enfant s’amuse avec un scarabée qui s’agite alors qu’il a été mis sur le dos. La tentation est l’occasion pour le chrétien de ridiculiser Satan qui a perdu la bataille face au Christ, résolument, et à qui nous pouvons rappeler qu’il a perdu quand il « tente sa chance » avec nous.
En sortant de sa tentation, il est dit que Jésus était revêtu de la puissance du Saint-Esprit. Il n’était pas seulement plongé dans l’Esprit comme durant son baptême mais il était bien revêtu de la puissance du Saint-Esprit. Il avait donc acquis, dans cette bataille que Dieu lui avait permis de traverser, une force toute particulière qui est une force d’en-haut, celle de l’Esprit Saint. Dès lors, ayant traversé, et les eaux du baptême et les marécages de la tentation, il pouvait faire ce que nous prions de dimanche en dimanche, délivrer les personnes du mal.

Mais attention, vous aurez bien compris dans ce texte de Luc 4 qu’il ne s’agit pas d’être délivrés simplement du mal philosophique, du mal éthique, du mal des moralistes. Fuir le mal et rechercher le bien, c’est une attitude que nous devons rechercher, mais c’est une posture morale, qui n’est pas réservée aux chrétiens. Il y a des athées très moraux et qui n’ont pas du tout besoin de Dieu pour être moraux.
Le texte du Notre Père est bien plus précis. Il ne dit pas seulement « délivre-nous du mal », mais il dit plutôt « délivre-nous du malin ». C’est tout à fait différent. Le mal, c’est une valeur, c’est une situation, c’est un aléa de la vie. Mais surtout le mal, c’est une idée, c’est quelque chose qui est là, qui est stable. En disant en revanche « délivre-nous du malin », nous n’avons pas affaire à quelque chose de passif, d’inhérent, mais bien à quelque chose d’actif, à une puissance. Nous avons à être délivrés de l’esprit du mal, qu’on appelle de mille noms dans les Ecritures bibliques, le Satan, l’accusateur, le tentateur, l’ennemi du Christ, le diable, le trompeur, le mauvais, le menteur… Et c’est pour cela que nous avons vraiment besoin de Dieu car sans lui nous ne pourrions rien faire. L’ennemi en question est bien trop fort pour que nous rivalisions, bien trop malin pour que nous ne soyons pas trompés.
On peut toujours se sortir d’une mauvaise situation si elle est fixe, mais il est plus difficile de se sortir de l’emprise d’un ennemi qui reste sur ses gardes, qui évolue, qui nous rattache quand nous nous détachons, qui veut nous lier dès que nous avons desserré l’étreinte de nos chaînes, de nos bandelettes de mort, etc.
En demandant à Dieu qu’il nous délivre du malin, nous ne lui demandons pas qu’il nous fasse dormir parmi les roses et les lys dans une sorte de Nirvana où nous ne connaîtrions plus les ennuis, la douleurs et les contraintes. Nous ne lui demandons pas non plus de devenir de gentils petits puritains dont la morale est bien calée, mais nous lui demandons qu’il manifeste sa puissance, qu’il vienne rappeler lui-même sa victoire à cet ennemi qui conteste sans cesse le fait qu’il ait perdu définitivement la bataille contre le Christ à Golgotha.
Dieu nous laisse aller en tentation avec le seul bagage de notre expérience, de notre intelligence et de notre foi, mais c’est lui qui opère les délivrances fondamentales. Nous ne sommes pas seuls dans cette bataille. Dans la synagogue de Capernaüm, Jésus est le premier à exercer l’autorité que Dieu va donner à tous les croyants par la suite, c’est-à-dire qu’il laisse agir en lui la puissance de l’Esprit Saint, présent en lui depuis son baptême d’eau et depuis ce baptême du feu qu’a constitué la tentation surmontée. Cette puissance de l’Esprit de Dieu qui lui a été offerte passe à l’action non pas pour seulement persuader les croyants de la beauté ou même de la pertinence des paroles des prophètes des temps anciens, mais bien pour que cette parole soit activée.
Nous pourrions illustrer cela par un exemple. Quand vous achetez une carte téléphonique, il faut toujours défaire un petit film plastique qui l’entoure, puis gratter une zone recouverte afin d’avoir les codes. Et dès le premier appel, au moment où vous tapez le fameux numéro qui était caché jusqu’alors, votre carte est activée.
Eh bien il en va de même pour nous. Nous sommes visités par l’Esprit Saint qui habite en nous, mais tant que nous n’avons pas activé sa puissance, tant que nous n’avons pas décidé que nous passions à l’action, que nous le laissions exercer son action, nous sommes riches de sa présence, mais pas beaucoup plus. Nous pouvons comprendre les Ecritures, mais pas vraiment les vivre. Nous sommes comme une personne qui garderait pendant des années une carte téléphonique mais qui n’appellerait jamais personne. A quoi servirait-il d’avoir cette carte sinon pour l’ultiliser ?
A Capernaüm, Jésus de Nazareth active cette puissance de l’Esprit Saint qui est en lui et sur lui, et la parole devient puissance. La parole de liberté devient geste de libération. La parole d’élargissement devient un acte de délivrance et voici qu’un bon paroissiens de la synagogue de Nazareth va, comme toutes les fois précédentes entendre la promesse comme quoi tous sont libres en Dieu, mais il ne va pas seulement l’entendre, il va le vivre et être libéré de l’esprit mauvais qui était en lui pour le tourmenter. Il va être délivré du malin simplement parce qu’un homme, Jésus, a eu le courage de laisser le Saint-Esprit de Dieu agir en lui.
Oui, que le Seigneur nous délivre du mal, dès que nous aurons compris notre infini besoin d’être délivré, et la capacité de notre Dieu à nous faire sortir de nos ornières. Puissions-nous laisser l’Esprit de Dieu agir en nous, selon sa promesse.
Amen

S'inscrire à la newsletter