Trois idées reçues sur Dieu – Mai 2022

Ce mois de mai, nous proposons aux miniglises un cycle consacré aux idées reçues sur Dieu. Mais, au fait, qu’entend-on par “idée reçue” ?

Selon la définition usuelle proposée par Wikipédia, une idée reçue est une opinion, située entre le stéréotype, le cliché et le lieu commun.

Elle a la particularité de s’admettre aisément, pour plusieurs raisons : elle est très répandue, elle aide à ne pas réfléchir pour trouver réponse à une question complexe, celui qui la transmet la considère comme une évidence.

Enfin, l’idée reçue n’est pas exempte de fausseté, et l’on parle fréquemment de “combattre les idées reçues”…

 

SEMAINE 1 : UN DIEU LOINTAIN, UN DIEU SILENCIEUX 

 

QUESTION BÊTE !

L’ami(e) à qui tu en veux parce qu’il(elle) ne t’a pas téléphoné depuis un bail, cela fait combien de temps que toi, tu ne l’as pas appelé(e), pour lui demander de ses nouvelles ? 

MERCI !

On rendra grâce au Seigneur avec Deutéronome 31:8 : « L’Eternel marchera lui-même devant toi, il sera lui-même avec toi. Il ne te délaissera pas, il ne t’abandonnera pas. N’aie pas peur et ne te laisse pas effrayer ».

BIBLE !

Pour lancer la discussion autour du thème de la semaine, “Un Dieu lointain, un Dieu silencieux”, lire Psaumes 22.

Vous pouvez choisir parmi les questions suivantes pour entretenir la discussion sur le thème.

  • T’est-il arrivé de te sentir seul, abandonné, ne percevant plus la présence de Dieu dans ta vie ? As-tu vécu cela comme une mise à l’épreuve de ta foi ?
  • Comment gardes-tu confiance en la présence de Dieu quand il semble désespérément absent ? Et peux-tu, malgré tout, rendre grâce à Dieu en tout temps et en tout lieu ?
  • As-tu déjà été interpellé par des non-croyants sur le fait que Dieu serait indifférent aux malheurs du monde ? Comment cela s’est-il passé ?
  • Quelques jours après Pâques, la lecture de Psaumes 22 (dont plusieurs versets sont cités dans Matthieu 27) te déplace-t-elle, notamment au regard du thème de cette semaine ?

PRIONS !

Seigneur, je viens vers Toi me repentir, pour toutes les fois où je t’ai reproché ton absence, alors que tu étais auprès de moi, mais que je ne te distinguais pas, car mes yeux étaient accaparés par les vanités humaines, pour toutes les fois où je t’ai reproché ton silence alors que tu me parlais, mais que je ne t’entendais pas, car mes oreilles étaient saturées par le brouhaha du monde. 

Seigneur, apprends-moi à mieux te reconnaître et à mieux t’entendre.

LA REFLEXION !

Quand tout va bien, de nombreux humains, y compris parmi les croyants, ne se préoccupent guère de Dieu, ce que C.S. Lewis exprime d’une métaphore saisissante :

« L’homme regarde à Dieu comme l’aviateur regarde un parachute : il n’est là que pour les cas d’urgence et il espère ne jamais avoir à s’en servir ».

Cependant, aussitôt que la vie cesse d’être un long fleuve tranquille, on se rappelle de Dieu ! Et l’on entend alors la sempiternelle question : comment Dieu peut-il laisser le mal et la souffrance déferler sur le monde ?

Tandis que certains répondent que Dieu n’existe pas, d’autres, sans contester l’existence de Dieu, objectent que Dieu n’est pas un Dieu bienveillant, qu’il est un Dieu qui se désintéresse de ses créatures, un Dieu lointain et silencieux.

Le point de départ de cette contestation, c’est le sens de la justice, le refus de voir les humains souffrir, être exclus, mourir de faim ou d’oppression, autrement dit le refus de voir fonctionner les mécanismes de la sélection naturelle (destruction, violence du fort contre le faible…).

Or, c’est précisément la Parole de Dieu qui proscrit l’oppression, qui interdit l’exclusion, qui défend le faible face au fort.

C’est donc un plaisant paradoxe que le non-croyant refuse l’existence de Dieu en s’appuyant sur les commandements qu’il a édictés !

Quant au croyant, il a beau savoir que Dieu est toujours présent, le spectacle du monde réveille néanmoins ses doutes et ravive les questions qui taraudent : quand verrai-je l’action de Dieu ? Pourquoi Dieu se tait-il ? Où puis-je trouver Dieu à coup sûr ?

* La temporalité de Dieu, il faut le rappeler, n’est pas la temporalité humaine. Nous ne savons rien de l’intervention divine lorsqu’elle s’opère, elle ne nous devient visible qu’après son achèvement, comme ce fut le cas pour Moïse : 

« Quand ma gloire passera, je te mettrai dans un creux du rocher et je te couvrirai de ma main jusqu’à ce que je sois passé. Lorsque j’écarterai ma main, tu me verras par-derrière, mais mon visage ne pourra être vu » (Exode 33:22-23).

* Le silence de Dieu peut être lourd lorsqu’il semble être la seule réponse immédiate à la prière du croyant. Pourquoi ce silence ? Est-ce vraiment un silence ? Il est peut-être davantage question de notre incapacité à écouter autre chose que les bruits du monde, la même incapacité dont Saül fut affligé :

« Alors Saül dit à Samuel : “J’ai péché, car j’ai enfreint l’ordre de l’Eternel et tes paroles. J’ai eu peur du peuple et je l’ai écouté” » (1Samuel 15:24).

Somme toute, qu’il s’agisse de silence de Dieu ou de “surdité” humaine, nous sommes renvoyés à nos faiblesses, à nos limites face à la singularité de la Parole de Dieu.

* Où puis-je trouver Dieu à coup sûr ? A cette question, Dietrich Bonhoeffer répond sans appel (dans sa lettre du 8 avril 1936 à Rüdiger Schleicher) :

« La Bible tout entière est la parole dans laquelle Dieu veut que nous le cherchions et le trouvions. Ce n’est pas un lieu qui nous paraît accueillant ni évident a priori ; c’est un lieu qui nous est de bout en bout étranger, profondément contraire à notre nature. Cependant, c’est bien le lieu que Dieu a choisi pour nous rencontrer ».

C’est dans la Parole de Dieu que nous faisons l’expérience de la proximité avec Dieu.

 

SEMAINE 2 : UN DIEU MORALISATEUR 

 

QUESTION BÊTE !

Pendant une partie de cartes, dans un jeu de société…, ça t’est déjà arrivé d’invoquer une règle qui n’existe pas, mais qui t’arrangerait bien et te rapprocherait de la victoire ? 

MERCI !

On louera le Seigneur avec Psaumes 119:1-7.

BIBLE !

Pour lancer la discussion autour du thème de cette semaine, “Un Dieu moralisateur”, il est proposé de lire Marc 2:13-28.

Vous pouvez choisir parmi les questions suivantes pour entretenir la discussion sur le thème :

  • Morale, moralisme, moralisateur : pour toi, ce sont des “gros mots” ?
  • Cela t’arrive souvent de constater a posteriori que tu as attribué à Dieu ce qui provient en fait d’une culture familiale, d’une culture d’église, d’un tropisme mondain ?
  • Dans ton existence de tous les jours, comment concilies-tu morale de vie et Parole de Dieu (par la lecture de la Bible, par la prière…) ?
  • Au final, la liberté qui engage le chrétien à devoir constamment discerner ce qui est juste, c’est plutôt une bonne nouvelle, non ?

PRIONS !

Seigneur, 

Le Psalmiste dit : « Que mes actions soient bien réglées… Alors je ne rougirai pas de honte devant tous tes commandements ». 

Hélas, Seigneur, je n’en suis pas encore là ! Trop souvent, je substitue mes partis pris et mes préférences à tes commandements . Pire encore, il m’arrive trop souvent de regarder les conformismes auxquels j’adhère aveuglément comme s’ils étaient tes commandements.

Seigneur, pardonne mes arrangements tortueux avec ta Parole et instruis-moi à marcher dans tes voies avec sagesse et discernement.

 

LA REFLEXION !

Dans le texte pour cette semaine (Marc 2:13-28), lorsque les disciples arrachent des épis de blé pendant le sabbat, Jésus terrasse les objections de pharisiens, comme à chaque fois… et, de prime abord, le chrétien se sent parfaitement à l’aise, puisqu’il est du bon côté, du côté de Jésus.

Mais sommes-nous autant à l’aise avec les versets précédents ? Nous qui marchons avec Jésus, sommes-nous toujours prêts à manger comme lui avec les marginaux, les exclus, ceux qui ne nous ressemblent pas et qui vivent selon des standards qui ne sont pas les nôtres ?

Et puis, ne sommes-nous pas de temps à autre comme ces pharisiens légalistes au bord du champ de blé, ne sommes-nous pas de temps à autre prompts à faire la morale aux prétendus mal-pensants, prêts à convoquer les oukases d’un “Dieu moralisateur” ?

Il faut bien admettre qu’il existe une morale bien-pensante qui affecte toutes les dénominations chrétiennes. Il arrive souvent que cette morale se diffuse au sein des églises, où l’on s’identifie trop facilement comme le camp moral, par opposition à la société individualiste, hédoniste, laxiste et immorale. 

La bien-pensance chrétienne est légaliste, elle fonctionne de façon binaire, en termes de permis/défendu, elle obéit à une logique comptable, dans laquelle il faut “cocher les bonnes cases”. Au demeurant, comment peut-on concilier une obsession morale quantitative avec le “Sola gratia” de la Réforme protestante ? Dieu nous aime gratuitement, et non en fonction de nos mérites, de nos œuvres !

A la base de la bien-pensance légaliste, il y a un préjugé tenace selon lequel une morale rigide serait plus efficace qu’une morale souple. C’est l’inverse, répond le chrétien Charles Péguy :

« Les morales raides sont infiniment moins sévères que les morales souples… Une morale raide peut laisser échapper des replis du péché… C’est une morale souple qui poursuit, qui atteint, qui dessine les sinuosités des fautes et des déficiences ».

Cette morale souple défendue par Péguy repose sur la liberté qu’offre Dieu à son peuple comme la possibilité d’une vie épanouie :

« J’en prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : j’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie afin de vivre, toi et ta descendance » (Deutéronome 30:19).

Cette morale souple, c’est celle pratiquée par Jésus qui brave les interdits et sait distinguer l’essentiel de l’accessoire, comme à l’orée du champ de blé pendant le sabbat.

Cette morale souple qui se confronte à la vie constamment renouvelée, Jésus nous y exhorte, en nous invitant à poser nos actions en fonction du contexte :

« Et pourquoi ne discernez-vous pas par vous-mêmes ce qui est juste ? » (Luc 12:57).

Non, notre Dieu n’est pas moralisateur. La vie chrétienne, ce n’est pas obéir à un catalogue d’interdits, c’est d’abord suivre le Christ, et la seule morale pour chaque chrétien, c’est que sa vie soit conforme aux exigences de l’Evangile. 

Pour tous les chrétiens dans tous les pays et à toutes les époques, l’interpellation de l’apôtre Paul, « Je m’étonne que vous vous détourniez si vite de celui qui vous a appelés par la grâce de Christ pour passer à un autre évangile » (Galates 1:6), impose un devoir d’inventaire permanent sur leurs règles de vie.

Pour que nos existences soient conformes aux exigences de l’Evangile, il nous faut revenir sans cesse à Matthieu 22:37-40 :

« Jésus lui répondit : “Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta pensée. C’est le premier commandement et le plus grand. Et voici le deuxième, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes” ».

SEMAINE 3 : DIEU, UNE INVENTION HUMAINE

QUESTION BÊTE ! Qu’est-ce que tu peux faire de pire dans un moment d’impatience ?

MERCI ! On louera le Seigneur avec Job 19:25-26 : « Pour ma part, je sais que celui qui me rachète est vivant et qu’il se lèvera le dernier sur la terre. Quand ma peau aura été détruite, en personne je contemplerai Dieu ».

BIBLE ! Pour lancer la discussion autour du thème de cette semaine, “Dieu, une invention humaine”, il est proposé de lire Exode 32:1-14. Vous pouvez choisir parmi les questions suivantes pour entretenir la discussion sur le thème :

  • A force d’entendre et de lire que Dieu est une invention humaine, as-tu parfois eu des doutes ?
  • Question délicate : as-tu déjà fabriqué un “veau d’or” ? … ou bien adoré un “veau d’or” existant ?
  • Parmi les bricolages humains qui peuvent se substituer à Dieu, y compris dans un contexte ecclésial, lesquels te scandalisent le plus ?
  • Dans tes prières, il t’arrive d’interpeller Dieu sans détours ?
  • En tant que chrétien, quel regard portes-tu sur tes contemporains qui font leurs dévotions à une multitude de divinités spécialisées ?

PRIONS ! « Père qui est aux cieux ! Nous savons bien que tu es partout présent ; et si peut-être en ce moment quelqu’un t’invoque de son lit de malade, si quelqu’un crie vers toi du fond de sa détresse profonde en mer, ou de la détresse encore plus profonde du péché, nous savons que tu es tout proche pour l’écouter » (Kierkegaard, “Troisième prière de Berlin”).

LA RÉFLEXION ! “Dieu, une invention humaine”, voici une idée couramment reçue chez un certain nombre de gens. Les hommes auraient créé Dieu, essentiellement pour apaiser leurs peurs, calmer leurs angoisses.

Cette opinion doit beaucoup au philosophe allemand Ludwig Feuerbach (1804-1872). Pour ce père de l’athéisme moderne, les humains, se sachant limités, projetteraient hors d’eux leurs qualités en un être imaginaire doté d’un statut supérieur : Dieu. Par un effet de miroir, ils attendraient ensuite que Dieu leur renvoie leurs qualités. La religion reposerait sur l’illusion que le miroir est vrai, voire plus vrai que les humains eux-mêmes.

S’il est vrai que la cible de Feuerbach est le christianisme, il faut admettre que sa démonstration s’applique très bien aux polythéismes, dans lesquels chaque divinité, par sa fonction propre, son domaine d’intervention, ses modes d’action et de pouvoir, reflète une partie des qualités et des faiblesses humaines. Ces dieux multiples sont dans le monde, ils en sont nés.

L’invention humaine des religions polythéistes est particulièrement notable dans la description de l’origine, du commencement. L’helléniste Jean-Pierre Vernant écrit : « Qu’est-ce qu’il y avait quand il n’y avait pas encore quelque chose, quand il n’y avait rien ? A cette question, les Grecs ont répondu par des récits et des mythes. Au tout début, ce qui exista en premier, ce fut Béance ; les Grecs disent Chaos. Qu’est-ce que la Béance ? C’est un vide, un vide obscur où rien ne peut être distingué ».

Comparons avec Genèse 1:1 : « Béréchit bara Elohim… Au commencement, Dieu créa… ». Pour les croyants, au commencement il n’y a pas le chaos mais un Dieu créateur de toutes choses (y compris du chaos originel…) ; pour les croyants, il n’y a pas une multitude de divinités qui répliquent les humains et leurs faiblesses, mais un Dieu unique dont les attributs n’ont rien d’humain (omniscient, patient, constant, aimant, fidèle, juste…).

Dans l’épisode du veau d’or, qui fait l’objet de notre lecture de la semaine, on observe une antinomie fondamentale entre le Dieu de la Bible et les divinités inventées par l’homme. Pendant que Moïse était monté au Sinaï recevoir la Loi de Dieu, le peuple s’impatienta et décida de façonner une divinité visible à des yeux humains. Furieux que son peuple retombât dans l’idolâtrie, Dieu voulut le faire disparaître, tout en épargnant Moïse.

Dans n’importe quelle autre religion, une seule attitude eût été possible, la soumission à la décision divine. Cependant, Moïse non seulement ne se soumit pas, mais il argumenta, il contesta, il protesta, il intercéda… Et il advint que « l’Eternel renonça alors au mal qu’il avait déclaré vouloir faire à son peuple » (v. 14).

Dans les spiritualités d’invention humaine, le projet est d’amener l’homme à accepter le réel tel qu’il est et les divinités sont silencieuses :

« Leurs idoles, ce n’est que de l’argent et de l’or ;
elles sont faites par la main de l’homme.
Elles ont une bouche mais ne parlent pas,
elles ont des yeux mais ne voient pas » (Psaumes 115 :4-5).

A l’inverse, le Dieu de la Bible ne prône pas l’acceptation résignée ; et il n’est pas silence, il est Parole : « Au commencement, la Parole existait déjà. La Parole était avec Dieu et la Parole était Dieu » (Jean 1:1). Et ce Dieu de Parole a créé l’homme comme un être de parole avec lequel il entre en relation, avec lequel il est en dialogue. Dans la prière, la parole du croyant se confronte à la Parole de Dieu, la parole du croyant interpelle Dieu.

Par ailleurs, l’épisode du veau d’or nous invite à nous interroger, nous qui ne sommes pas plongés dans l’incertitude, au pied du Sinaï, au milieu du désert, mais qui, par le sang de Jésus, sommes pardonnés, rachetés, justifiés, libérés, réconciliés avec Dieu, sanctifiés.

Sommes-nous toujours exempts de la tentation de nous fabriquer des statuettes et de nous prosterner devant elles ? Sommes-nous toujours exemplaires pour résister à toutes les idolâtries qui s’offrent à notre adoration, y compris dans les églises ? Sommes-nous toujours vigilants à l’encontre des bricolages humains qui peuvent s’interposer entre le croyant et Dieu ?

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