Qu’est-ce que l’école biblique en France ?

Par Alain

L’école biblique pour les enfants, plus de 200 ans d’histoire. Vous trouverez dans cet article l’histoire de l’école biblique : de l’apprentissage de la lecture dans la Bible au XVIIIème siècle à l’exploration existentielle et spirituelle des Écritures aujourd’hui, c’est une belle histoire chrétienne qui s’offre à nous en héritage. 

L’école biblique naît en Angleterre à la fin du XVIIIème siècle avec la Révolution Industrielle

C’est à la fin du XVIIIème siècle en Angleterre, que va naître le mouvement des Écoles du dimanche, avec Robert Raikes (17361811), journaliste imprimeur à Gloucester. Témoin de l’industrialisation de son pays et de ses conséquences sociales, il fut alarmé, en visitant les quartiers pauvres de sa ville, de voir l’état de pauvreté et d’abandon des enfants. Entre 1702 et 1801, la population anglaise doubla, de plus en plus de gens partaient vers les villes pour trouver du travail dans les usines. Les liens traditionnels et religieux de la vie de village étaient sérieusement menacés. Très souvent, il n’y avait pas de place pour les migrants venant de la campagne dans les églises des cités industrielles, et une ou deux générations d’enfants grandit sans aucune ligne de conduite religieuse ou morale. Il fallait donc imaginer et mettre en place des structures à même d’enseigner ces jeunes et leur donner les moyens de se construire un avenir meilleur.

C’est dans ce cadre, qu’avec d’autres, Raikes, imagina et mit sur pied des rencontres relevant de l’éducation populaire, dont le but principal était de donner une instruction de base. Les jeunes pour lesquels ce dispositif étaient mis en place étaient des ouvriers de moins de 12 ans, travaillant à l’usine six jours sur sept. Le dimanche étant leur seul jour libre, l’école fut ouverte ce jour-là. Raikes finança et fit connaître ces écoles grâce à son journal le Gloucester Journal. La première école du dimanche fut ouverte en juillet 1780. Les enfants suivaient les cours de 10h00 à 14h00, avec une heure de pause pour manger. Puis on les emmenait à l’église, où on leur enseignait le catéchisme jusqu’à 17h30. En l’espace de 2 ans, plusieurs écoles virent le jour dans les environs de Gloucester.

Servir le Seigneur en servant les enfants

Raikes voyait les écoles du dimanche comme une réponse toute simple au commandement de Jésus de « paître mes brebis ». Pour Raikes, le fait de servir le Seigneur en servant les enfants pauvres devait avoir des effets importants sur la société dans son ensemble : « Si la gloire du Seigneur doit être démontrée, même de façon minime, la société doit en récolter certains bénéfices. Si la bonne semence est semée pendant les premières années de la vie humaine, même si elle ne se montre pas pendant plusieurs années, il plaira à Dieu, dans les temps futurs, de la faire rejaillir afin qu’elle produise une abondante moisson. » Très vite des effets positifs sont constatés. Le taux de criminalité diminue notamment de façon sensible.

Cette école rassemblait les enfants ne fréquentant pas le culte, pour leur donner le matin une instruction générale : lecture, écriture, calcul, et histoire sainte. La lecture se faisait dans la Bible. Le parcours était basé sur les « 3 R’s » (reading, ‘riting [writing], et ‘rithmetic [arithmetic], c’est-à-dire : lire, écrire et compter). Les premières écoles se tenaient dans la cuisine de “femmes de bonnes mœurs” qui accueillaient les enfants chez elles et étaient rémunérées pour cela. Le bénévolat qui sera toujours la règle en France s’est imposé en Angleterre comme seule mesure appropriée, pour éviter la mort du mouvement qui, victime de son succès, ne pouvait plus en assurer les frais. L’implication des laïques et des femmes marque fortement le mouvement anglophone.

Création de la Société des Écoles du Dimanche

En 1785, une société des écoles du dimanche fut créée à Londres pour distribuer des Bibles et des alphabets. Éditeur de métier, Raikes publia, importa et distribua les premiers livres, alphabets, catéchismes et copies des Écritures qui de révélèrent particulièrement importantes pour le mouvement. Le pasteur anglican Thomas Stock (1750-1803), également de Gloucester, travaillera avec lui et se chargera tout particulièrement de trouver des enseignants. 

William Fox (1736-1826), marchand de drap, membre d’une Église baptiste, est à l’initiative de la création de la première Société des Écoles du dimanche (London Sunday School Society) fondée le 7 septembre 1785. La Sunday School Union quant à elle est fondée le 13 juillet 1803. La société avait diffusé en avril 1810 : 300 000 syllabaires, 63 500 Nouveaux Testaments et 8 000 Bibles.

Les premières Écoles du dimanche françaises

En France, l’école biblique du dimanche prirent plus de temps pour se développer et se structurer et furent plus « ecclesio-centrées » qu’en Angleterre. Même si des écoles du dimanche laïques ont été créées, avec comme porte-parole Nicolas de Condorcet (1792), offrant une éducation secondaire le dimanche aux employés (1833), ou comprises comme une école industrielle dans la loi Falloux (1850), l’initiative du mouvement revient à des pédagogues protestants. Le terme école du dimanche tel qu’il est employé ici, désigne un dispositif initialement d’éducation populaire propre au protestantisme à l’époque des Réveils et des initiatives philanthropiques qui cherchait à combler autant le manque de scolarisation des enfants que d’enseignement biblique.

Après une initiative sans suite au moment de la Révolution française, les premières écoles du dimanche sont créées presque simultanément, en 1814, à Bordeaux et en Normandie dans le temple protestant de Luneray en Seine-Maritime. Celle de Paris s’ouvrit en 1822, à l’Oratoire du Louvre. Le pasteur Frédéric Monod (1794-1863) en était le directeur.

Un rôle central pour les pasteurs et les femmes

À cette époque, les enfants s’y rendaient avec leurs parents, et les moniteurs/trices interrogeaient les enfants sur ce qu’ils avaient compris au culte. Les Écoles du dimanche sont des associations à la fois distinctes de l’Église locale par ses statuts propres, tout en étant liées à elles par ses acteurs. Au XIXème siècle, le pasteur en est souvent le directeur, en particulier en raison de ses diplômes universitaires, mais surtout parce que dans la tradition protestante, l’enseignement est partie intégrante du rôle de pasteur. Ce sont les membres de l’Église qui instruisent les jeunes enfants en commençant par l’alphabétisation des jeunes non scolarisés. La place des femmes enseignantes, a toujours été très importante dans ce mouvement.

Un Comité pour l’encouragement des écoles du dimanche est créé par le baron Auguste de Stael en 1826. En 1827 le Comité publie un Alphabet des Écoles du dimanche, pour remédier au faible nombre de lecteurs chez les protestants d’alors. Le besoin d’éducation primaire conduit les responsables de ce Comité à encourager la création, en 1829 de la Société Pour l’Encouragement de l’Instruction Primaire Parmi les Protestants de France.

La Société d’encouragement pour l’instruction parmi les protestants de France

Organe de l’Église Réformée La Société d’Encouragement pour l’Instruction Primaire parmi + l’Establishment protestant français » et est reconnue d’utilité publique dans la foulée, le 15 juillet 1829. Elle a pour but : « de seconder les progrès de l’instruction primaire parmi les protestants de France », selon l’article premier du règlement de la Société.

La Société des Écoles du dimanche et du jeudi 

La Société des Écoles du Dimanche est créée en mars 1852 sous l’initiative de Jean-Paul Cook (1828-1886) qui avait déjà publié à Lausanne un guide pour créer une École du dimanche. C’est le pasteur Laurent Montandon (1803-1876) qui en était le président et le pasteur Henry Paumier (1821-1899) en assurait le secrétariat. Elle devint Société des Écoles du dimanche et du jeudi après les lois Ferry.

C’est en 1881, que Charles Robert pour la Société d’encouragement pour l’instruction primaire parmi les protestants de France avec Henry Paumier pour la Société des Écoles du dimanche, fondaient le mouvement des « Écoles du jeudi ». Leur but était de mettre un dispositif en place pour remédier à l’absence d’enseignement religieux dans l’école primaire.

Une école biblique du dimanche « missionnaire »

Il est important de noter que les statuts de la Société des Écoles du dimanche mettent l’accent sur la fonction « missionnaire » du mouvement français qui se développe en bonne harmonie et en complément à l’action de la Société d’Encouragement pour l’instruction primaire parmi les Protestants de France. L’article premier du règlement fixe ce but à la nouvelle société : “Le but de cette Société est de propager les vérités évangéliques par le moyen des Écoles du dimanche. Elle provoque la formation de ces écoles, elle en seconde l’établissement et s’attache à les perfectionner, sans vouloir s’immiscer dans leur direction”.

La Société des Écoles du dimanche fera également œuvre de maison d’édition : revues de formation des moniteurs, listes de textes bibliques à étudier, feuilles pour élèves, bon-points, registres de présence… et ouvrages estimés utiles à l’éducation de la jeunesse. Les pasteurs, fers de lance de la Société des Écoles du dimanche, insistaient en outre beaucoup sur l’importance des visites des enfants par leur moniteur ou monitrice.

Au XIXème siècle en France, l’école du dimanche constitue plutôt un pré-catéchisme qu’un catéchisme. Au synode de Normandie, Wilfred Monod plaide en 1904 pour le passage d’un examen d’entrée aux jeunes qui souhaitent commencer le catéchisme sans avoir fréquenté l’école du dimanche, pour s’assurer du niveau de connaissance biblique acquis au sein de la famille.

Après être devenue la Société des Écoles du dimanche et du jeudi en 1881, la société inter-dénominationnelle devenait la Société d’Édition et de Diffusion du Service Catéchétique du Conseil Permanent Luthéro-Réformé.

Aujourd’hui, dans les Églises évangéliques

Dans les Églises évangéliques, L’École du dimanche rassemble habituellement les enfants des membres de la communauté. Répartis par classes d’âges, les jeunes suivent un programme biblique spécifique, comme à l’école primaire où ils doivent assimiler un programme d’enseignement général. Excepté certaines Églises comme les assemblées darbystes où les enfants assistent au culte avec leurs parents, habituellement l’école se tient chaque dimanche matin de l’année scolaire (hors congés scolaires), pendant que les parents participent simultanément au culte. En cela, ces Écoles du dimanche ont, dans ces Églises,  aussi un caractère de « culte pour enfants ». Comme en Angleterre, en France le système des « Écoles du dimanche tout au long de la vie » n’a pas été développé, alors qu’aux États-Unis d’Amérique cette école concerne toutes les classes d’âge.

Une École biblique, une catéchèse dominicale ou un culte pour enfants ?

Comme le préconisait Wilfred Monod en 1902, les Écoles du dimanche contemporaines sont souvent devenues une propédeutique au catéchisme dans les Églises luthéro-réformées, alors que le catéchisme, dans la tradition protestante, ne concerne que les adolescents ou les adultes néo-convertis. Juridiquement, les Écoles du dimanche sont généralement assimilées à la catéchèse, avec parfois la crainte avouée de voir cette activité placée sous l’égide du ministère de la jeunesse et des sports avec les contraintes qui en résulteraient en matière de diplômes d’animation requis pour les moniteurs voire de laïcité de l’enseignement apporté ! La séparation de l’Église et de l’école (lois Ferry de 1881/1882), puis la séparation de l’Église et de l’État (loi de 1905), expliquent le glissement linguistique rassemblant sous le terme générique de « catéchèse » toutes les activités d’enseignement offertes par les Églises aux enfants, tout en appliquant ce terme aussi à l’enseignement des adultes qui se préparent au baptême.

Et l’école biblique dans notre Église du Marais ?

Nos miniglises de la cannelle, de la moutarde, de la menthe et du dattier sont des descendantes à la fois proches et lointaines des écoles de dimanche conçues aux XVIIIème et XIXème siècles en Angleterre puis en France. Proches parce que les enfants de notre paroisse ont un temps « rien que pour eux » pendant que leurs parents sont au culte le dimanche matin, lointaines parce qu’aujourd’hui, il n’est plus question de pallier un système éducatif défaillant quant à l’écriture, la lecture ou le calcul, mais de mettre en place les conditions pour que les enfants puissent « explorer la Bible de manière existentielle et spirituelle, vivre la reconnaissance envers Dieu, partager autour de la Bonne Nouvelle, prier, se développer à la ressemblance de Jésus et prendre plaisir en sa présence. »

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