Dr Mukwege : comment conjuguer foi et appel ?

Par Josiane

Depuis plus de vingt ans, le Dr Denis Mukwege œuvre pour la paix dans son pays, en réparant les corps des victimes de violences sexuelles en temps de guerre en République Démocratique du Congo (RDC). Ce travail lui a valu le prix Nobel de la paix en 2018 et d’être surnommé “l’homme qui réparait les femmes”. Il a opéré environ 40 000 patientes à l’hôpital de Panzi, où il exerce la chirurgie gynécologique. J’ai eu l’occasion de l’écouter lors de son passage à Paris fin 2019. Le message qu’il a partagé ce soir-là m’a beaucoup touchée.

Ce que beaucoup ignorent, c’est que ce médecin est chrétien et qu’il est pasteur d’une Église. J’ai voulu comprendre l’articulation entre son appel à la médecine et sa foi, et le partager avec vous.

D’où viennent la foi et l’appel du Dr Mukwege?

Denis Mukwege est né dans une famille chrétienne. A l’âge de huit ans, alors qu’il accompagnait son père dans une visite auprès d’un enfant malade, il fut témoin de son désarroi et de sa prière pour l’enfant. Ce jour-là, son appel pour la médecine était né : lui, Denis, offrirait en plus de la prière des traitements aux malades. À l’âge de 13 ans il a vécu une expérience forte de l’amour de Dieu, marquée par une rencontre avec le Saint Esprit. Sa routine de vie en a été bouleversée à tout jamais : Dieu est devenu son refuge et sa force.

Pour le Dr Mukwege, il n’y a pas d’opposition entre la science et la foi : « Le médecin doit agir avec foi, et avec tous les moyens qu’il a à sa disposition.” dit-il.

Il prie avant d’opérer et demande à Dieu de donner la guérison totale à la patiente. Par ailleurs, il propose à celles qui le souhaitent de recevoir un suivi spirituel, de participer à des groupes de parole pendant leur convalescence à l’hôpital. Il leur propose également une assistance juridique: pour lui, l’humain a besoin d’être soigné sur tous les plans, physique, psychique et spirituel.

D’où lui vient sa motivation?

Il évoque souvent ce commandement, comme parole motrice dans sa vie : “Tu aimeras ton prochain comme toi-même” (Matthieu 22:39. Il ne conçoit pas d’être heureux et accompli sans rien faire pour son prochain, sans lui manifester de l’amour. C’est pour cette raison qu’il fait tout son possible pour aider son prochain dans le contexte qui est le sien, dans l’Est de la RDC. ll n’a jamais cessé de soigner à Panzi car il constate que l’amour de Jésus est trop souvent absent des zones de guerre. C’est la responsabilité de l’Eglise d’annoncer cet amour, d’autant plus que la prolifération du mal détruit à la fois l’oppresseur et sa victime. Il faut donc s’occuper des deux.

Par ailleurs, il s’identifie beaucoup à ses victimes et à leurs enfants : il s’en occupe comme si c’était sa propre famille qui était atteinte.

J’admire la compassion du Dr Mukwege, et sa ténacité dans un quotidien rempli d’incertitudes et dangers.

Denis Mukwege utilise régulièrement sa voix : il ne cesse de réclamer la justice pour les femmes qu’il soigne.Il ne cesse d’interpeller vigoureusement les pouvoirs de son pays et la communauté internationale au sujet des crimes de guerre en cours depuis plus de 20 ans au Congo et de l’impunité des bourreaux. Je le cite: “Notre peuple a besoin de la Paix or Il n’y a pas de paix sans Justice, il n’y a Justice sans dignité et il n’ y a de dignité sans respect des droits humains.” Ce rôle de porte-parole des plus faibles est une autre expression de son amour pour son prochain et une application très concrète de Proverbes 31: 8-9.

Comment garde t-il la foi dans un contexte difficile et dangereux?

Tous les jours le Dr Mukwege reconstruit les corps de femmes mutilées, violées, battues, abandonnées par leurs bourreaux. Il est témoin des histoires atroces qu’elles lui racontent. Il a lui-même déjà échappé à plusieurs tentatives d’assassinat et sa famille est régulièrement l’objet de menaces de mort.

Malgré toutes ces pressions et traumatismes, il croit toujours au Seigneur Jésus et en son amour, même s’il reconnaît avoir été tenté d’imputer la responsabilité des atrocités à Dieu.  Avec sa famille, ils font le choix de se confier en Dieu pleinement pour leurs vies, et pour leur sécurité notamment.Depuis sa rencontre avec le Saint Esprit dans sa jeunesse, l’amour de Dieu ne l’a plus jamais quitté et il affirme que vivre dans la dépendance du Tout-Puissant est la source de sa paix.

Quel encouragement pouvons-nous tirer de la vie du Dr Mukwege?

Je vois dans sa vie et son message une interpellation à se laisser émouvoir de compassion par notre prochain et à s’activer dans la lutte contre toutes les expressions du mal. Rester silencieux et immobiles ferait de nous des complices de l’injustice, qu’elle ait lieu tout près ou ailleurs dans le monde. Enfin, je vois un encouragement à faire confiance à Dieu dans l’adversité, plutôt que d’avoir le réflexe de se préserver ou de fuir.

Que le Seigneur émeuve nos cœurs de compassion, et que celle-ci fasse éclore plein de belles actions.

Vous souhaitez en savoir davantage?

– Denis Mukwege a écrit un livre: Plaidoyer pour la vie, éditions Archipel.

– Un documentaire sur l’hôpital de Panzi est disponible sur Netflix: City of Joy (en anglais)

– Entretien avec la FREE: https://youtu.be/-IOO_LpFuso

Si vous vous posez des questions sur votre appel et votre travail, vous pouvez échanger dans le cadre de l’entraide pro et contacter diaconie@dumarais.fr

S'inscrire à la newsletter