Marie Durand : est-elle un leader de la foi ?

Par Nathalie

Avec 38 ans d’enfermement pour sa foi, sûrement ! 

A la révocation de l’édit de Nantes, certains protestants s’enfuient en Suisse, en Angleterre, en Amérique, au Cap, à Berlin ou aux Pays-Bas comme la famille de Paul Henri Marron, notre premier Pasteur. D’autres restent et sont « au désert ». Marie est de ceux-là.

« Aie pitié de moi, Seigneur Dieu », psaume 51, gravé sur la porte de sa maison

Le père de Marie exerce une profession publique, il doit donc se convertir au catholicisme. Mais la famille, installée dans l’Ardèche, conserve sa foi. Le Vivarais, un pays rude, rural, très vallonné où les routes serpentes. Un pays traversé à cette époque par le prophétisme. Marie vit dans un hameau d’une commune comptant 1500 âmes, au milieu d’une forêt dense de châtaigniers, dans une « maison forte » où des cachettes existent dans l’immense cheminée pour le prédicateur recherché ou dans le mur pour la bible en français. Marie nait donc en 1711, ses parents la font baptiser puisqu’ils sont « convertis » et que c’est la seule solution pour assurer une existence légale aux enfants. Il faut donner le change. 

Evidemment, Marie est élevée dans la religion réformée. Elle lit sa bible, tous les jours, ce qui est en soi répréhensible, elle chante son psautier, et elle sait écrire, compter… Elle se rend dans des assemblées interdites, en pleine nature ou chez d’autres huguenots. Ou même parfois organise des réunions chez elle. Pierre, le frère de Marie, né en 1700, devient pasteur itinérant, après des études de théologie à Genève. Pasteur au désert, toujours caché, toujours discret, pour ne pas se faire attraper. Les autorités surveillent cette famille, et d’ailleurs traquent voire mènent une guerre à tous les protestants de la région. Sa mère, arrêtée quand elle avait 8 ans, disparait. Son père sera incarcéré pendant 14 ans, son époux pendant 20 ans. Enfin, son frère pasteur, particulièrement recherché, sera arrêté et pendu en 1732. 

« Résister » gravé sur la margelle du puits de sa prison

Arrêtée en 1730, sur lettre de cachet, donc sans aucun jugement, Marie est enfermée à Aigues Mortes, dans la tour de Constance. Loin de son Vivarais natal. Elles sont entre 20 et 30 femmes dans le même cas qu’elle, entassées dans une pièce, dans une pauvreté absolue. Il fait froid l’hiver, torride en été. La salle de 20 m de diamètre est humide, insalubre et faiblement éclairée. Il y a peu à manger, essentiellement du pain et de l’eau, parfois un peu d’huile d’olive ou quelques victuailles portés par des visiteurs ou reçus. Pas vraiment de mobilier, des paillasses, les commodités des plus succinctes, des privations qui coutent la santé. La couture est l’une des rares activités. Difficultés matérielles et spiritualité sont les deux (pré)occupations des prisonnières. Elle écrit des lettres, pour supplier et argumenter pour que l’ordinaire s’améliore et défendre « les droits de la conscience », pour remercier des secours reçus aussi, notamment de Hollande et de Suisse. Notamment à sa nièce réfugiée à Genève ou au pasteur nîmois Rabaut chargé des prisonnières. Elle rédige même un placet adressé à Mme de Pompadour. Et tous les jours, on leur demande si elles veulent abjurer, cela permettrait leur libération. Tous les jours, Marie refuse, elle encourage ses compagnes à tenir. Elle grave avec elles dans la pierre, sur la margelle du puits de la prison, avec leurs menus effets, cuillère ou fourchette, l’inscription « résister », symbole de leur attitude.

Marie reste grave et réfléchie, ses lettres nous l’enseignent et démontrent d’ailleurs qu’elle est rapidement la prisonnière la plus éminente. Si elle accepte sa captivité, elle est courageuse, elle vit sa foi, sans exaltation mais très fort intérieurement, elle est d’une fidélité à toute épreuve. Déterminée et fragile aussi, consciente d’être la sœur d’un pasteur, elle doit être à la hauteur de cet engagement, elle est cependant aussi pleinement dans l’espérance. Elle anime la vie spirituelle de ses compagnes avec des lectures bibliques, des souvenirs des prédications de son frère. On chante de mémoire le psautier, on organise des offices, on prie et on parle.

C’est l’époque des idées des Lumières et de tolérance et du le combat de Voltaire. Et puis, l’opinion publique rejette de plus en plus ces persécutions. Le nouveau commandant militaire en Languedoc refuse de garder ces prisonnières. Marie Durand est libérée le 14 avril 1768. Elle est en très mauvaise santé et retrouve une maison et un domaine délabrés. Si elle meurt dans l’indigence en 1776, elle nous lègue un bien précieux, une obstination non violente pour sa foi, pour une liberté religieuse qui finira par arriver et que nous avons la chance d’avoir aujourd’hui. 

Aujourd’hui…

Sans vivre dans le passé, Marie peut nous aider à vivre l’évangile ici et maintenant. 

*Elle l’a bien vécu dans des conditions si extrêmes que cela nous dit que c’est toujours possible. Les camisards des Cévennes étaient dans la lutte, son frère aussi, dans une opposition frontale avec les autorités. Marie, c’est la force tranquille, elle a lutté pacifiquement, mais sûrement. A quoi devons-nous résister, nous, aujourd’hui ? 

*Ensuite, elle a lutté avec opiniâtreté pour vitre sa foi, avec sa bible. Elle a lutté pour cette liberté religieuse qui est certes là mais qui n’est jamais acquise. Jusqu’où devons-nous aller pour défendre cette liberté ? 

*Enfin, elle peut nous inspirer dans les combats actuels pour les réprouvés, les persécutés, les sans-papiers… avec non-violence et avec conviction comme elle. Elle nous exhorte à l’espérance.

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