Qu’est-ce que les Huguenots peuvent nous apprendre sur la foi ?
Par Nathalie
Les “Huguenots” sont le nom donné aux protestants français à partir des années 1560, au moment des guerres de religion. Le mot sera aussi utilisé pour parler des protestants français exilés du fait des persécutions, notamment après l’interdiction par Louis XIV du culte protestant et de la religion reformée en 1685. C’est avec cette émigration massive que le mot Huguenot sera connu internationalement pour désigner les protestants français, mais aussi, particulièrement dans « les pays du Refuge » (pays accueillant ces exilés : Pays-Bas, Suisse, Royaume-Uni, Amérique, Allemagne…), les émigrés ou descendants d’émigrés protestants français.
Les Huguenots sont nos ancêtres de la foi
Les Huguenots sont donc des protestants comme nous. Ils sont nos ancêtres dans la foi. Ils sont les premiers à avoir cru comme nous croyons. Ils ont la même foi que nous, luthérienne et/ou réformée. Jésus avait Abraham et Noé, comme ancêtres, nous avons les Huguenots !
Ils ont vécu une période très troublée, avec la guerre (8 guerres de religion au XVIème siècle et des heurts importants au XVIIème siècle comme le siège de la Rochelle ou au XVIIIème siècle comme la guerre des Camisards dans les Cévennes), les massacres comme la saint Barthélémy, l’exil et des persécutions.
Malgré les problèmes vécus dès l’apparition de la Réforme, cette nouvelle façon de vivre sa foi, le protestantisme connaît un essor considérable dans toutes les couches de la société française et essaime à l’étranger. Mais ils sont restés une minorité, ce qui n’est pas forcément très facile à vivre.
Une histoire qui a marqué le protestantisme français
Cette histoire, difficile, a profondément marqué le protestantisme français et notre Eglise. L’idée même de persécution et de minorité est constitutive de notre identité. Inquiétés, emprisonnés, persécutés, traqués, mis au ban de la société, la vie n’a pas été simple pour ces Huguenots. Subissant des pressions, des brimades, des interdits, le risque de la mort, certains ont tenu bon, et se sont battus pour leur foi. D’autres se sont convertis au catholicisme, parfois de force. Et, d’autres encore ont fui. Certaines familles sont revenues, comme le premier Pasteur de notre Temple, Paul Henri Marron, sa famille est revenue en France, d’autres non, comme les ancêtres des deux ministres allemands Lothar et Thomas de Maizière ou du président américain Franklin Delano Roosevelt.
Mais d’où vient ce mot ?
Vraisemblablement de l’allemand eidgenossen (“conjurés”, “confédérés”). Un mot allemand (comme Luther), utilisé à Genève (patrie de l’« hérésie » protestante), proche du nom du roi Huguet ou Hugon de Tours, qui, selon la légende, fut un fantôme cruel vivant la nuit, et la prononciation déformée permettent aussi de comprendre le caractère péjoratif et insultant du mot à l’origine. Mais les protestants français vont assumer et revendiquer ce mot comme leur appellation à partir de 1560.
Ceux qui ont persévéré, ceux qui ont « protesté de leur foi », que peuvent-ils nous dire ? Nous vivons maintenant librement notre foi, avec des lieux de cultes publics et accessibles. Que nous apprennent les Huguenots ? Que nous laissent-ils en héritage ?
Les Huguenots nous apprennent à croire, quelle que soit la situation sociale, et politique autour de nous.
Même en des temps troublés, dans l’adversité, en étant persécutés, ils ont continué de croire, de vivre leur foi, de lire leur bible, de prier le Seigneur… Marie Durand enfermée à Aigues mortes en est un exemple extrême, elle ne renonce pas à sa foi.
Ils nous redisent ce qu’est être une minorité, et combien cela peut être difficile un groupe stigmatisé. Cela peut nous parler aujourd’hui, où de nombreuses minorités ou des groupes de personnes vivant une différence sont souvent rejetés.
Ils nous rappellent les débuts de l’Eglise
Ils nous rappellent les débuts de l’Eglise, comment ils ont vécu et se sont organisés.
Les pratiques communautaires avec des réunions discrètes chez l’un ou chez l’autre pour partager la lecture du Nouveau Testament, des psaumes et prier.
La lecture de la bible dans sa propre langue et non en latin, une lecture seul mais aussi en famille et en groupe. Et un texte qui circule, car il est imprimé. C’est aussi un élément très important de leur vie : l’accès à l’écrit grâce à l’imprimerie.
L’organisation des groupes, l’élection des représentants la désignation des pasteurs, la mise en place des sacrements (baptême et cène)…
Comme l’Eglise primitive des Actes, ils nous parlent de comment on pratique, comment on vit la foi, comment on construit le corps du Christ au tout début.
Ils nous permettent de retrouver les bases de notre foi, les prémices, les commencements. Les premiers textes aussi notamment les confessions de foi de La Rochelle (1571) comme celle d’Augsbourg (1530).
Nous pouvons ainsi redécouvrir ce qui est permanent et qui fait le lien entre les générations.
Ils nous apprennent à rompre avec la société qui les entoure pour vivre mieux et en accord avec la foi.
Ils ont rompu avec les traditions, ils se sont singularisés et différenciés des autres, ils ont dû affirmer leurs particularités. Installant une pratique de la religion différente, ils ont souhaité épurer les pratiques, retrouver les origines, enlever les superstitions, refuser certains gestes.
Ils ont dû rompre avec des pratiques communes, courantes et partagées. Ils se sont abstenus de tout un tas de pratiques et de croyances anciennes. Cette abstention implique une révolution mentale par rapport aux comportements ancestraux : il n’y a plus de temps, ni de lieu, ni d’image ou d’objet sacré.
Ils ont bousculé les hiérarchies sociales et les valeurs de leur temps. Avec leur organisation et les élections de représentants, ils ont même pratiqué la démocratie avant sa mise en pratique. Calvin souhaitait que la Réforme pénètre tous les aspects de la vie quotidienne et que chacun puisse rendre compte de sa foi, à toute occasion. Les Huguenots nous invitent à faire la même chose avec notre société.
Les Huguenots sont une source d’inspiration pour apprendre à rompre avec la société qui nous entoure quand elle va à l’encontre du Seigneur.
Les Huguenots nous parlent encore aujourd’hui
Enfin les Huguenots exilés nous parlent encore aujourd’hui, nous qui voyons tant de réfugiés, de migrants qui s’exilent de leur pays. Nous qui connaissons des chrétiens persécutés dans leur pays d’origine et qui viennent chez nous. Dans notre paroisse même nous vivons avec des frères et des sœurs venant de pays musulmans, de pays africains ou même de Chine où vivre leur foi était plus qu’un problème, une question de survie.
Terminons sur ce petit détail. Les Huguenots nous invitent aussi à retourner dans nos bibles pour trouver des parallèles avec leur vécu. Ainsi le désert, référence à la traversée par Moise et son peuple du Sinaï, et l’espoir de la terre promise, est l’allégorie de la clandestinité des huguenots pendant les temps les plus forts des persécutions et de l’interdiction. Nous traversons aussi des déserts…
Les Huguenots nous apprennent à résister, à tenir bon dans la foi, à s’appuyer, quoiqu’il arrive, sur le Seigneur. Ne les oublions pas…