Guérir de l'ingratitude

Prédication donnée au Temple du Marais le dimanche 13 juillet 2008

Texte biblique
Luc 17:11-19
11 Jésus marche vers Jérusalem. Il traverse la Samarie et la Galilée. 12 Il entre dans un village, et dix lépreux viennent à sa rencontre. 13 Ils restent assez loin de Jésus et ils se mettent à crier : « Jésus, maître, aie pitié de nous ! » 14 Jésus les voit et il leur dit : « Allez vous montrer aux prêtres. » Pendant qu’ils y vont, ils sont guéris. 15 Quand l’un d’eux voit qu’il est guéri, il revient et, à pleine voix, il dit : « Gloire à Dieu ! » 16 Il se jette aux pieds de Jésus, le front contre le sol, et il le remercie. Cet homme est un Samaritain. 17 Alors Jésus dit : « Tous les dix ont été guéris. Et les neuf autres, où sont-ils ? 18 Parmi eux tous, personne n’est revenu pour dire “Gloire à Dieu” . Il n’y a que cet étranger ! » 19 Et Jésus dit au Samaritain : « Lève-toi, va, ta foi t’a sauvé. »

Prédication
Il y a dans ce texte trois verbes différents pour dire un même verbe en français : guérir. Mais tous parlent d’une facette particulière de la guérison : l’un parle plutôt de purification, quand le mal et la maladie sont nettoyés, brûlés. Le second parle de rétablissement, quand quelque chose est remis comme il faut. Le troisième parle de salut, quand on est sauvé d’un grand péril.

C’est comme si Luc, qui était médecin, et donc avait quelques idées bien précises sur la guérison, nous disait qu’il y avait trois étapes dans la guérison de ces dix lépreux qui sont venus vers Jésus.

Il y a d’abord une étape technique, avec diagnostic, thérapeutique, et contrôle de l’efficacité du traitement. A l’époque, pas d’antibiotique, ou, plus précisément aujourd’hui pour la lèpre, pas de polychimiothérapie, le traitement qui existe pour en venir à bout. En l’absence de moyens, Jésus guérit par la puissance du Saint-Esprit, mais il en fait une affaire médicale et juridique, car il appelle les dix lépreux à rejoindre les prêtres pour faire constater la guérison. C’est un peu, dans le contexte, comme quand on doit aller faire tous les trois mois des prises de sang après une maladie grave aujourd’hui, pour vérifier qu’il y a bien guérison. Les prêtres seuls étaient habilités à constater la guérison, à déclarer la personne à nouveau pure, alors que la lèpre était l’impureté par excellence. Cette première phase est celle qui est décrite par le verbe katharizo, guérir par purification.

La deuxième étape de la guérison, on la découvre avec le lépreux samaritain qui va comprendre qu’il s’est passé autre chose qu’une simple guérison fonctionnelle, une simple guérison du corps. Il va employer le verbe iaomai, qui veut dire être guéri, et se sentir raffermi, consolidé, solide. C’est plus qu’une simple guérison du corps. C’est tout son être qu’il découvre rééquilibré dans ce temps de convalescence. C’est la deuxième phase de la guérison, celle qui va susciter en lui beaucoup de joie. Il réalise que c’est un don de Dieu que d’être rétabli de cette façon-là. Ce n’est pas qu’un traitement efficace qui aurait opéré sur l’extérieur, sur sa peau et ses membres, sur sa maladie, sur son bacille, mais c’est une guérison intérieure. Il est guéri bien au-delà de sa maladie, dans son humanité. Il a retrouvé sa place dans la société. Cette deuxième phase de la guérison lui permet d’ailleurs de venir aux pieds de Jésus, alors que dans leur première rencontre, il avait obligation de se tenir à distance pour ne pas contaminer ses interlocuteurs. Il est rétabli dans une proximité, dans une vie sociale rendue à nouveau possible. Il pourra désormais aussi être un prochain. Jusqu’alors il n’était qu’un lointain. Et cet événement le remplit de joie, au point que son cœur déborde de reconnaissance. Il allait, louant et glorifiant Dieu à haute voix.

Les neuf autres aussi ont été guéris ; et pourtant, c’est comme si Jésus nous disait, par la plume de Luc, que leur guérison n’est que partielle, puisqu’ils n’ont pas su vivre les deux dernières phases de ce processus. Notamment, ils n’ont manifestement pas pris le temps de la reconnaissance, le temps de reconnaître ce qui se passe, et grâce à qui tout cela a eu lieu. Ils sont finalement assez ingrats car leur cœur est satisfait de ce qui vient de se passer, mais pas au point de remercier celui qui en est à l’origine. Il manquera toujours quelque chose à cette guérison.
La joie du lépreux samaritain, qui revient pour remercier, va le conduire dans la troisième et dernière phase de sa propre guérison. Jésus va lui dire que sa foi l’a guéri, avec ce verbe qu’on traduit plutôt par sauver, sozo. « Lève-toi, va ; ta foi t’a sauvé ». Il s’agit donc non seulement d’une guérison de son corps, puis de sa personne, mais maintenant de son histoire, de sa Vie avec un grand V, de son être le plus profond. Et c’est bien l’action de grâces qui libère cette dernière étape du processus de guérison.

Dans bien des étapes de l’existence, dans bien des difficultés surmontées et des épreuves traversées, nous oublions l’ultime phase de notre guérison intérieure, qui est celle de l’action de grâces, qui est pourtant la clé de tout aboutissement en matière spirituelle. « Rendez grâces en toutes choses, car c’est à votre égard la volonté de Dieu en Jésus-Christ » disait Paul au Thessaloniciens (1Thess 5:18). Nos remerciements sont le gage de notre salut. Notre joie qui monte vers Dieu est une assurance de notre salut déjà obtenu pour nous par le Christ. Jésus, en effet, ne dit pas au lépreux que sa foi va le sauver, ou qu’elle le sauve désormais, mais qu’elle l’a déjà sauvé. A partir du moment où vous avez cru et où vous avez remercié Dieu, vous avez déjà été sauvé, guéri du péché, qui est la pire de toutes les lèpres.
A l’heure où la bonne santé est presque devenue une idolâtrie collective, à l’heure de la survalorisation du corps, au jour des déficits fascinants de la Sécurité Sociale, et à l’époque de la surmédicalisation, douze petits versets venus du fond des âges viennent nous redire que la guérison est plus que la santé de notre organisme.
Dans une époque où la reconnaissance n’est pas très à la mode, à l’heure où les droits ont plus de poids que les devoirs, au jour où ceux qui devraient remercier ne viennent pas et celui qui est étranger, lui, vient, douze petits versets venus du fond des âges viennent nous persuader que l’action de grâces est ce qu’il y a de plus précieux pour la guérison pleine et entière de nos vies personnelles comme de notre monde dans ce qu’il a de plus vaste.

De la purification à la consolidation et au salut, il y a un cheminement de vérité sur lequel nous sommes appelés, tous, à marcher, nous qui sommes des paralytiques de la louange, des atrophiés du remerciements, des handicapés de la gratitude.
Rendez-vous compte de tout ce que le Seigneur a fait pour vous. N’est-ce pas magnifique. Réalisez tout ce qui va bien, comparé à ce qui va mal, et qui pourtant attirer tellement notre attention, notre préoccupation. Dans votre corps, dans votre existence, faites la liste de tout ce qui fonctionne très bien, plutôt bien, et plutôt mal. Vous verrez la disproportion ! Il y a de quoi rendre gloire à Dieu. Que nous serions heureux si nos esprits se disciplinaient à refuser la tyrannie d’une aigreur d’estomac, l’envahissement d’une dent cariée, la dictature d’une déception sentimentale.
Oui, « Rendez grâces en toutes choses, car c’est à votre égard la volonté de Dieu en Jésus-Christ ». En remerciant Dieu, nous brandissons comme un trophée l’assurance de sa victoire, nous agitons la bannière de sa bénédiction sur nos existences, nous nous mettons à genoux devant celui qui a écrasé toutes nos lèpres. C’est ça qui guérit, c’est ça qui sauve, c’est ça qui fait vivre vraiment.
Amen

Son repos et Son joug

Prédication donnée à l’Eglise Réformée du Marais le dimanche 6 juillet 2008

Texte biblique
Matthieu 11:25-30

Prédication (d’après des idées et notes de M.-N. Thabut)
J’expérimente en ce moment combien il est important de retourner au texte biblique avec un regard neuf, sans penser qu’on connaît ce texte par cœur. Car c’est la musicalité du texte que nous connaissons par cœur et non pas son sens. C’est assurément pour cela que dans notre habitude du culte, nous prions avant de lire la bible, pour appeler le regard renouvelé du Saint-Esprit, qui peut convaincre nos cœurs et témoigner à notre intériorité de ce que Dieu veut nous dire.
Je pensais connaître ce passage d’autant plus que le verset « Venez à moi vous qui êtes fatigués et chargés » était écrit en quatre langue dans la première Eglise où j’ai servi, en Afrique de l’Est. Nous avions beaucoup réfléchi à cette dimension du repos que donne le Christ à ceux qui sont trop chargés.
Mais cette fois-ci j’ai été frappé par la fin du passage que je vous propose d’entendre dans trois versions différentes :
PDV 28 « Venez auprès de moi, vous tous qui portez des charges très lourdes et qui êtes fatigués, et moi je vous donnerai le repos. 29 Je ne cherche pas à vous dominer. Prenez donc, vous aussi, la charge que je vous propose, et devenez mes disciples. Ainsi, vous trouverez le repos pour vous-mêmes. 30 Oui, la charge que je mettrai sur vous est facile à porter, ce que je vous donne à porter est léger. »
TOB 28 « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous donnerai le repos. 29 Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes. 30 Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger. »
NBS 28 Venez à moi, vous tous qui peinez sous la charge ; moi, je vous donnerai le repos. 29 Prenez sur vous mon joug et laissez-vous instruire par moi, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos. 30 Car mon joug est bon, et ma charge légère.
Jésus nous invite à prendre sur nous son joug.
Récemment, nous avions rappelé combien certains ont tendance à faire porter de lourdes charges sur les épaules des autres. C’est le cas de ces religieux qui mettent tellement Jésus en colère parce qu’ils « chargent » toujours leurs prochains de mille culpabilités et obligations qui leur rendent la vie invivable. Cela conduisait Jésus à rappeler au foules que : « Les maîtres de la loi et les Pharisiens sont chargés d’expliquer la loi de Moïse. Donc, vous devez leur obéir et vous devez faire tout ce qu’ils vous disent, mais n’agissez pas comme eux. En effet, ils ne font pas ce qu’ils disent. Ils rassemblent des charges très lourdes et ils les mettent sur les épaules des gens. Mais eux, ils refusent d’y toucher, même avec un seul doigt ! » (Mathieu 23:2-4).
C’est facile d’inquiéter les gens avec tout ce qu’ils ne font pas parfaitement. C’est facile de trouver toujours quelque chose qui ne va pas. Au nom du perfectionnisme, que d’élans ont été brisés par manque de reconnaissance et de gratitude. C’est tellement plus simple de rabaisser que d’élever, de faire mourir que de faire vivre…
Mais Jésus, lui nous invite finalement aussi à prendre un joug. Il nous met bien quelque chose sur les épaules ! Donc finalement, ce n’est pas de tout repos. Voyez le paradoxe qu’il veuille nous donner le repos et en même temps nous mettre un joug sur les épaules. Est-ce qu’il est vraiment celui qui conduit à la foi libre s’il nous met cette pièce de bois qu’on réserve aux esclaves, ou plus communément encore aux animaux de trait ?
En somme Jésus nous invite à changer de joug. Il n’est pas le vendeur d’un opium pour le peuple, il ne fait pas croire qu’il suffit de marcher à sa suite et qu’on n’a plus aucun problème. On a toujours des choses à porter, mais ça n’a pas le même poids. Auprès de lui on peut trouver le repos, et parce qu’on a trouvé ce repos, on peut reprendre une charge sans qu’elle soit harassante.
Beaucoup de gens présentent la foi comme ce qui va régler tous les problèmes. C’est un peu le piège quand on ne garde que la première partie du verset biblique. Qui d’entre vous se souvenait qu’après avoir appelé les chargés et fatigués pour qu’ils viennent trouver du repos, Jésus disait qu’il leur mettait sur les épaules un joug ?
L’enjeu est donc plutôt de savoir quel joug on porte.
Qui est le propriétaire de ce joug qu’on nous met sur les épaules ?
Quel est cette puissance qui nous fait porter ça ?
Tout le monde a un dieu. Même les athées ont un dieu. Et il est d’autant plus puissant qu’ils n’en connaissent pas le nom. Il a une telle emprise qu’il est invisible, toujours derrière eux, jamais à découvert. Voilà un joug lourd et injuste, qui leur a été mis sur les épaules sans qu’ils puissent voir celui qui le mettait sur eux. C’est le fardeau imposé par les kidnappeurs, les terroristes, les systèmes totalitaires.
Jésus, lui est franc. Il ne ment pas sur la marchandise. Il dit bien qu’il va nous donner un joug, mais que ce joug est léger. C’est-à-dire qu’il est portable. Vous êtes fort ? Vous aurez un joug un peu plus lourd vraisemblablement que votre voisin qui n’est pas fort.
Jésus substitue un joug léger à un joug écrasant.
A ceux qui veulent devenir chrétiens, je dis clairement : vous allez recevoir beaucoup de joie, beaucoup d’apaisement, et du repos. Mais sachez qu’à la mesure de tout ce que Dieu va vous donner, vous allez recevoir des responsabilités dans la foi. La responsabilité d’être un point de repère pour votre entourage. La responsabilité d’être une lumière pour le monde. La responsabilité du témoignage et de la prière, celle de l’intercession.
Ce sont de lourdes responsabilités, c’est vrai.
Alors est-ce que c’est un joug léger ? Peut-être pas.
En tout cas pas si on veut le porter tout seul.
Car c’est ce qui m’a marqué dans la lecture de ce passage aujourd’hui. Un joug est toujours un outil pour tirer ou porter quelque chose de très lourd, mais surtout, il n’est pas seulement un harnais individuel. Un joug est d’abord quelque chose qui nous relie à une autre personne, à un autre bovin si on est un bœuf, à un autre équidé si on est un cheval. Un joug est toujours à deux places.
C’est peut-être pour cela qu’on qualifie le mariage de joug, parfois. Mais il ne faut pas le prendre négativement. Cela veut dire qu’on va porter à deux ce qu’on portait autrefois tout seul dans son coin. C’est bien mieux, car dans les moments difficiles, il est vraisemblable que l’autre peut être en meilleure santé que nous, qu’il a plus de force et qu’il est capable de tirer bien plus. A deux, on porte bien plus que ce qu’on portait chacun pour soi.
Aussi, cela veut dire que, quand Jésus nous dit de prendre SON joug, c’est que nous allons porter nos responsabilités avec lui ! Et nous allons aussi assumer ses responsabilités collectivement. La foi et la condition de disciple qu’il nous demande d’embrasser, c’est donc, comme je le disais, à la fois un repos au sens où Jésus nous est attaché et nous lui sommes attachés, et qu’il nous aide à porter nos charges. Et en même temps, nous sommes conviés à porter avec lui les charges qui sont les siennes.
« Prenez sur vous mon joug », c’est donc porter une lourde poutre sur nos épaules, une sorte de croix où Jésus et nous-mêmes serions attachés au bois. Mais c’est surtout la capacité de démultiplier nos forces car nous ne serons pas tout seul à tout porter. Elles sont lourdes les responsabilités nouvelles du chrétien, mais tellement légères si elles sont portées véritablement en conjugant nos forces avec celles de Jésus. Le plus fort des deux donne le rythme et l’autre peut suivre, et devenir fort, tout en n’étant pas épuisé.
« Si quelqu’un te force à faire un kilomètre à pied, fais-en deux avec lui. » disait Jésus en Matthieu 5:41. La foi, c’est donc marcher non seulement dans les pas de Jésus, mais vraiment en étant attachés et solidaires de lui comme le sont les chevaux d’un attelage. C’est bien cette capacité à marcher avec un autre, que ce soit Jésus ou que ce soit le frère, en portant ensemble nos charges.
Ce que nous propose Jésus, c’est de porter en nous un bagage énorme qui est celui de la Bonne Nouvelle. C’est une connaissance énorme que de connaître tous les mystères du monde, c’est un savoir incroyable que de porter toutes les réalités et vérités que nous présentent les Ecritures bibliques, mais Jésus nous permet de porter tout cela avec lui. Parce qu’il est le Vivant, parce qu’il est présent par son Esprit-Saint, il nous permet d’être dépositaires de cette connaissance volumineuse, de porter des responsabilités énormes, non plus seulement parce qu’il nous les aura mises violemment sur les épaules, mais parce qu’il viendra les porter avec nous, d’un geste commun, avec un joug commun. Et son joug deviendra le nôtre. Et notre joug deviendra le sien.
« Empressons-nous donc d’entrer dans ce repos » Hébreux 4:11
Amen

Le moi et l’esprit – Francis Mouhot

Couverture livre le moi et l'esprit

 

 

 

 

 

 

 

Docteur en psychologie et psychologue, Francis Mouhot analyse dans ce livre les principales craintes que suscite la psychothérapie. Il organise sa réflexion autour de deux axes: une comparaison fine des différentes conceptions de l’homme chez Freud, Jung, Rogers, etc. d’une part, et l’analyse de la relation écoutant/écouté et des objectifs des entretiens thérapeutiques d’autre part. Il met en évidence des homologies entre anthropologie biblique et spirituelle. Enfin, l’auteur s’attache aux questions touchant le cadre, les méthodes et les limites de la thérapie.

Le moi et l’esprit est en vente sur différents sites, par exemple sur celui de la Procure, à partir de ce lien.

Série de prédications : Le Pardon

Pardonner
Pardonner n’est pas une option pour ceux qui déclarent suivre Jésus. En effet, le pardon est un des principaux piliers de la foi chrétienne, mais surtout un vrai chemin de vie qui libère, chez moi et chez l’autre, la capacité à devenir vraiment humain.
En trois prédications, voici un petit parcours, qui, sans être une méthodologie, peut quand même constituer une incitation à vivre vraiment, jusqu’au bout, le programme du Christ.

La correction fraternelle
Comment pardonner ?
Le non-pardon

Etre "croyant" ou écouter Dieu ?

Prédication donnée le 24 février 2008 au temple du Marais

Lectures
1 Samuel 3 et Jean 12:42-50

Prédication
J’ai toujours été fasciné par les gens qui se disent croyants et non pratiquants. On comprend bien qu’ils essayent d’exprimer qu’ils croient en quelque chose et que ce qui est proposé par les Eglises ne leur convient pas. Mais ultimement, c’est bizarre de pouvoir penser qu’on puisse ne pas pratiquer sa foi. Pour ma part je suis footballeur non pratiquant, ce qui signifie que je n’ai pas touché un ballon depuis 1997. Je suis aussi nudiste non pratiquant, c’est-à-dire que ma pratique est très personnelle et limitée au passage dans la salle de bains hier soir et ce matin. Je suis aussi dealer de haschich non pratiquant, c’est-à-dire qu’à chaque fois que j’ai du haschich dans les mains je le revends à d’autres… mais je n’ai jamais eu de haschich dans les mains, donc j’ai mes raisons pour ne pas pratiquer !

La cohérence entre les pensées, les paroles et les actes fait partie des signes d’un encrage dans une foi profonde. C’est en tout cas ce à quoi Jésus-Christ nous appelle. Et il ne se contente pas de nous demander de le faire, il le fait lui-même. « Tout ce que je dis je le dis comme le Père me l’a dit » (Jean 12:50).
Avec Héli et Samuel nous avons deux profils d’écoute du Seigneur qu’il est très important de décrypter.

Deux types d’écoute
Héli, tout d’abord, est prêtre. Cela veut dire qu’il a été institué, mis en place, pour administrer le culte au Seigneur, près de l’arche d’alliance. Il a donc une fonction de médiation. Un prêtre est plus proche de Dieu que les autres membres du peuple – en tout cas c’est la définition du dictionnaire – puisqu’un prêtre est chargé de faire le trait d’union entre Dieu et les humains. Et notre cher Héli est assez ambivalent. D’un côté il est fidèle puisqu’il sait au bout de quelques minutes que c’est bien Dieu qui est en train d’appeler Samuel. Mais paradoxalement, Héli lui-même est dans une situation un peu compliquée dans la mesure où le Seigneur l’a déjà averti de graves dysfonctionnements familiaux et qu’Héli n’a rien fait. Nous dirons donc qu’Héli a une écoute sélective. C’est le cas de tout le monde. On comprends souvent mieux les choses pour les autres et les situations qu’ils ont à vivre que pour les propres enjeux de nos existences. Héli est présenté dans tout le paradoxe de son état : il est fidèle au point de faire advenir le jeune Samuel à la vraie dimension de sa vocation de prophète, mais lui-même il n’obéit pas à Dieu. Et, inversement, quand Samuel lui révèle le véritable projet de Dieu, il se soumet par une parole qui dit que tout ce que le Seigneur a prévu de faire, il le fait, sans qu’on puisse vraiment y résister.
Ne sommes-nous pas tous des Héli, nous qui sommes tous ici une nation de prêtres, intermédiaires entre Dieu et l’humanité ? N’avons-nous pas une écoute sélective, et cette tendance à rester dans le va-et-vient entre l’obéissance et la désobéissance ? Héli comprend quand Dieu se met à parler aux autres, mais il n’entend pas quand il s’agit de lui-même. C’est difficile. Et qui sommes-nous pour nous placer en juges ?

Samuel “Dieu a entendu”
Maintenant, le cas de Samuel est presque plus intéressant encore. Il habite dans le temple avec le prêtre. Il est en apprentissage dans le temple. Cela veut dire qu’il est croyant, mais plus que croyant, tout son temps est consacré à l’administration des choses du Seigneur. Mais pourtant, vous l’aurez bien entendu, Samuel ne connaît pas Dieu. Rien de moins, non, vous avez bien compris, il est dit que Samuel ne connaît pas Dieu : « Samuel ne connaît pas encore le Seigneur car celui-ci ne lui a jamais parlé » (1 Samuel 3:7). On ne dit pas que c’est de la faute de Samuel s’il n’a pas une relation personnelle avec le Seigneur. On dit juste dans le texte que c’est Dieu qui ne lui a jamais parlé en direct. On ne dit pas que Samuel a eu une écoute sélective, ou bien qu’il n’essaye pas de bien faire. Non, il veut bien faire, car quand il entend la voix qui lui parle dans la nuit, il ne fait pas comme s’il n’avait pas entendu, il ne fait pas semblant de dormir, il va voir Héli à plusieurs reprises, croyant que c’est le prêtre lui-même qui l’a appelé. C’est bien Dieu qui n’a encore jamais parlé à Samuel.
En somme Samuel est en relation avec Héli, mais il n’est pas en relation avec Dieu. On pourrait dire qu’il est en relation avec Dieu dans la mesure où c’est justement la fonction du prêtre que de relier les humains et Dieu. Dans le cadre d’une religion qui a des prêtres, c’est juste. Mais c’est précisément ce que le Seigneur vient contester dans cette histoire, il désire être directement en relation avec Samuel. Et à ce titre Héli est un bon prêtre puisqu’il va mettre finalement Samuel en relation avec Dieu…
De la même façon, quand nous sommes en relation avec Jésus, qui est le Grand Prêtre, nous sommes en relation avec Dieu le Père. Il le dit de maintes façons dans l’évangile de Jean notamment.
Voyez la pointe du texte : ce n’est donc pas un sujet de culpabilité si nous ne sommes en relation à Dieu qu’à travers l’unique Grand Prêtre aujourd’hui, à savoir Jésus-Christ. Ce n’est pas un problème de n’être en relation avec le Père que par la parole du Fils.
En revanche, il nous faut être vraiment vraiment vraiment en relation avec Jésus-Christ. Et c’est là où les choses sont plus compliquées. Qui a vu Jésus a vu le Père. Avez-vous une relation fréquente et régulière avec Jésus-Christ, de la même nature que celle de Samuel avec Héli ?
Comprenez bien que ce texte nous dit qu’on peut fréquenter le temple très régulièrement, voire même être en formation biblique, voire être doté d’un ministère et ne pas connaître Dieu. Est-ce que Dieu te parle et est-ce que tu parles à Dieu ? Voilà la question.

Au-delà des culpabilités
Ce texte est formidable, car, comme j’ai essayé de le souligner, il ne fait pas de cette histoire un support pour la culpabilisation : « Oh, mais comment se fait-il que tu ne fasses pas ci, que tu ne vives pas ça, etc. ». C’est au contraire un texte qui cultive des paradoxes entre un prêtre maudit par Dieu, mais qui fait finalement pas si mal son boulot, et un prophète zélé qui n’a jamais entendu la voix de Dieu… Nous sommes certainement nous aussi dans les flots de ces paradoxes. L’enjeu n’est donc pas celui de répondre à des critères, mais d’être bien disposés, prêts à recevoir une parole de Dieu, disponibles pour que le Seigneur nous parle, prêts à nous lever la nuit si c’est le temps où Dieu veut travailler avec nous, prêts à écouter surtout : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute ». A chacun se pose cette question : suis-je le serviteur de la Cause protestante ? suis-je le serviteur de l’association cultuelle Église Réformée du Marais ? suis-je le serviteur de la chrétienté confrontée à l’islam ? ou suis-je le serviteur du Dieu vivant, disponible à ses appels, plutôt que tendu dans une posture de combat comme si les arts martiaux étaient un modèle de spiritualité ?
Alors soyez croyants, pour être comme Samuel qui savait qu’il existait un Dieu mais pas plus. Mais Dieu n’a pas voulu faire des croyants, il a voulu faire des disciples à l’écoute de leur Maître Jésus-Christ. Il a voulu faire des prophètes qui prennent la parole pour changer le monde. Il a voulu faire des apôtres qui acceptent de lâcher prise pour devenir porteurs d’un message et fondateurs de communautés chrétiennes où resplendisses la gloire du Seigneur.
Oui, soyez croyants, mais soyez surtout des pratiquants de l’écoute de la voix de Dieu, des pratiquants de l’obéissance à la volonté de Dieu, des pratiquants de l’amour en action comme l’a fait Jésus, des pratiquants d’une logique de service qui n’a rien à voir avec les services du monde.

Nous prions…

Amen

Être fiable devant Dieu et les Hommes

Prédication donnée au Temple du Marais le dimanche 20 février 2008

Lire Esaïe 62:1-5
Par amour pour toi, Jérusalem, je ne me tairai pas.
Par amour pour toi, Sion, je ne resterai pas sans agir.
J’attends que ta libération paraisse comme la lumière du matin,
et que ton salut brille comme une lampe allumée.
Alors tous les peuples verront
que le Seigneur t’a sauvée,
et tous les rois verront ton honneur.
Alors tu recevras un nouveau nom,
que le Seigneur choisira.
Tu seras comme une couronne magnifique
dans la main du Seigneur,
un turban royal dans la main de ton Dieu.
On ne t’appellera plus
« celle qui est abandonnée »,
on ne dira plus de ton pays
« c’est un désert de tristesse ».
Au contraire, on t’appellera
« celle qui plaît au Seigneur »,
et on dira de ta terre
« la bien mariée ».
Oui, tu plairas vraiment au Seigneur,
et ta terre aura un mari.
Comme le fiancé se marie avec sa fiancée,
ainsi celui qui te reconstruit sera un mari pour toi.
Comme une fiancée fait la joie de son fiancé,
tu feras la joie de ton Dieu.

Prédication
Quand vous rentrez dans une voiture pour partir pour un voyage de plusieurs centaines de kilomètres, dans la mesure où tout va bien dans votre tête, vous ne vous demandez pas si le volant est bien accroché à la direction. Pourtant c’est vrai qu’un volant mal accroché, c’est somme toute assez dangereux.
Quand vous mangez un steack dans un restaurant de la place de la Bastille, normalement vous ne demandez pas à voir les certificats de traçabilité de la viande. Pourtant c’est vrai qu’une vache qui a brouté son herbe grasse au pied de la centrale de Tchernobyl ne produit pas une viande excellente pour la santé.
Quand vous postez des clefs pour les rendre à quelqu’un, vous ne vous demandez pas si le facteur a un gros casier judiciaire et s’il sera tenté d’ouvrir le paquet pour en faire un usage qui déplairait au destinataire du colis.

Vous voyez dans ces trois situations, le volant, le bifteck et la clé, que finalement, nous sommes obligés de faire confiance et que ce n’est normalement pas un effort que de faire confiance. Maintenant, si j’ai pris ces trois exemples, c’est en pensant à ce taxi
que j’avais pris au Yémen et dont le chauffeur s’amusait à décrocher le volant pour faire peur aux clients, c’est aussi en pensant à ce restaurant au Bénin où le poulet qu’on nous avait servir avait quand même d’étranges pattes de rat de rivière, ou encore à de nombreux déboires avec les services postaux, en Afrique ou en France. Si j’ai choisi ces trois situations c’est parce que j’aurais de bonne raison d’avoir perdu confiance avec les chauffeurs, les restaurateurs et les postiers. Et j’aurais pu rajouter les médecins, avec notamment ce fameux généraliste qui, l’année de mes 27 ans, m’a prescrit des antibiotiques en spécifiant sur l’ordonnance, grâce à son nouvel ordinateur, qu’il fallait que je prenne ces antibiotiques trois fois par jour, juste après le biberon…

Bref, il faut faire confiance, même si l’on a vécu des expériences dont l’ennemi du Christ aimerait bien qu’elles nous installent dans une sorte de paranoïa, un sentiment d’insécurité profonde.
Nous avons confiance dans ce qui nous paraît fiable.

Mais qu’est-ce que la fiabilité ?
Culturellement, parce que nous sommes dans une société technicienne, il nous semble que ce qui est fiable, c’est ce qui est technologique et scientifique. Or, on sait bien que ce qui caractérise l’ère de la technologie, c’est la panne. Dépanneur est LE métier d’avenir. Car plus il y a de technique et plus il y a de panne. Mais, pourtant, c’est vrai, les choses marchent bien en général quand elles sont quelque peu automatisées.
La technologie est la science nous rassurent. Les experts nous rassurent. Maintenant, vous ne pouvez plus avoir un avis sans que soit mobilisé un expert. Et on ne sait pas toujours ce qui fait l’expertise de l’expert, mais ça rassure qu’il y ait un expert. Ca va loin, jusque dans nos Eglises, car plutôt que de transmettre la foi comme ça s’est fait de générations en générations, aujourd’hui, il faut confier ses enfants à des experts de la foi, à des catéchismes, des instructions religieuses, des écoles du dimanche, etc. où des gens supposés savoir sont aussi supposés transmettre de façon fiable… une connaissance biblique, voire la foi elle-même. Voici un beau leurre.
Ce qui est fiable, c’est donc ce qui est technique, scientifique, accrédité par un expert. C’est aussi ce qui a un label. NF, iso 9002. Savez-vous que les agences d’accréditations se sentent aptes à tout accréditer. Si nous leur demandions une accréditation pour la prédication du dimanche d’une Église protestante, ils produiraient leurs grilles de méthodologies et nous diraient paisiblement si le culte est valable ou pas. Ce sont des experts, ils sont capables de tout labelliser. Mais seriez-vous plus avancés ?

Qu’est-ce qui est fiable ?
En réalité, je crois que ces conceptions techniciennes de la fiabilité sont erronées. Car pour l’humain, ce qui est fiable, c’est surtout la parole de l’autre. Une parole qui n’est pas mise en défaut. Une parole tenue, voilà la fiabilité profonde. Nous pouvons établir, tout seuls ou avec l’aide d’experts, des tas de grilles d’analyse de la fiabilité, il n’empêche que si quelqu’un que nous aimons nous dit : « C’est bon, tu peux y aller », là ça tient bien.
En hébreu, la fiabilité se dit d’un mot qui est de la même racine que le mot « Amen ». Et cette racine évoque la caravane de chameaux qu’on attache les uns aux autres pour pouvoir traverser en sécurité un désert. La fiabilité, c’est le lien qui unit le chamelier qui est à l’arrière de la caravane, avec le chamelier qui est devant la caravane. Et ce lien, c’est la confiance fondamentale que, quand il crie « Amen », cela veut dire qu’il a vérifié les cordages entre chaque chameau, que tout tient bien, qu’on peut y aller, que se mettre en marche n’est pas quelque chose de dangereux, et qu’on va y arriver.
La fiabilité n’est donc pas une question de technique, mais c’est une question de parole, à la base, humainement. Et cela vaut pour l’humanité entière.

Fiable pour Dieu
Mais maintenant, voyons quelle est la définition de la fiabilité selon Dieu, car là, vous allez voir, nous changeons de registre et de catégorie.
Avez-vous remarqué que « fiabilité » est un mot de la même famille que le mot « fiancé » ? Un fiancé, une fiancée, c’est celui à qui l’on a donné toute sa confiance par une parole. Quand on est fiancés, on est liés l’un à l’autre par de la parole et par rien d’autre, pas de contrat civil, pas d’acte notarié, rien de tout cela, et pourtant voilà quelque chose d’hyper solide. Qu’y a-t-il de plus fort dans une existence que l’expérience de confiance qui réside dans les fiançailles : ne tenir ferme par aucun autre artifice que par la seule parole échangée. Mais ce qui compte plus encore que cette confiance arrimée par de la parole, c’est surtout l’amour qui passe entre le fiancé et la fiancée. C’est dire que la parole peut structurer la fiabilité, mais que pour Dieu, en réalité, la fiabilité doit être du registre des fiançailles, d’une entente que l’amour motive.
C’est ainsi que Dieu a toujours voulu dans les Ecritures bibliques présenter son mode de relation à l’humain comme étant quelque chose de l’ordre des fiançailles. Dieu est un fiancé qui offre à sa belle, le croyant, le peuple, l’Église, un fiancé qui offre à sa belle les plus beaux cadeaux car il est fou d’amour pour elle. Toi, écoute la parole de ton fiancé :
« Tu es très belle, mon amie, et tu es parfaite.
Viens avec moi du Liban, ma fiancée, viens avec moi du Liban.
Descends des montagnes de l’Amana, du Senir et de l’Hermon.
Quitte ces abris des lions, ces montagnes à léopards.
Tu me fais perdre la tête, petite soeur, ma fiancée,
tu me fais perdre la tête par un seul de tes regards,
par une seule perle de tes colliers.
Comme elle est merveilleuse, ta tendresse, ma fiancée !
Elle est plus délicieuse que le vin !
L’odeur de tes parfums est plus agréable que tous les parfums précieux.
Ton baiser a la douceur du miel.
Du miel et du lait se cachent sous ta langue.
Tes vêtements ont l’odeur des forêts du Liban.
Tu es mon jardin privé, ma fiancée,
la source qui m’appartient, ma fontaine réservée.
Tu as la fraîcheur d’une plantation de paradis,
peuplée de grenadiers aux fruits délicieux.
Là poussent des plantes de bonne odeur: le henné et le nard,
le safran, le laurier et la cannelle, tous les arbres à encens,
la myrrhe et l’aloès avec les parfums les plus délicats. »

Fiabilité amoureuse
Voici en quoi réside donc la fiabilité de Dieu, c’est qu’il est fou d’amour pour son peuple et fou d’amour pour chacun.
Alors, vous vous en doutez, la question n’est pas de savoir si Dieu est fiable. Il l’est puisqu’il tient parole, lui, et que sa parole est portée par un amour infini.
La question c’est plutôt de savoir si nous-mêmes nous sommes dans le même registre de sentiment en retour.
Est-ce que Dieu peut compter sur notre parole ?
Est-ce que Dieu peut être assuré que nous sommes débordants d’amour à son égard ?
C’est évident que nous sommes moins fiables que Dieu, mais nous devons rentrer à son égard, plus profondément de jour en jour, dans cette relation de confiance par la parole et l’amour débordant.

Un choix, peut-être ?
Maintenant, si nous sommes cohérents, nous devons bien comprendre que cela ne peut pas être sans conséquence par rapport à nos relations avec les autres êtres humains. Car sinon, il suffirait d’être hors du monde, avec Dieu notre fiancé, pour filer le parfait amour, vivant heureux, vivant cachés.
Voilà l’ambition du Seigneur pour nous, que nous nous convertissions progressivement.
Puissions-nous passer d’une fiabilité technicienne à une fiabilité relationnelle.
Puissions-nous passer d’une confiance basique à une confiance profonde en la parole des autres.
Puissions-nous passer d’une confiance factuelle en la parole des autres, à une confiance débordante d’amour.
Car si nous choisissons le parti de la confiance, c’est bien parce que le Seigneur nous a habilités à vivre cela contre toute vraisemblance, contre tout bon sens, contre tout pragmatisme, qui nous pousseraient à être des gens prudents et méfiants.
Oui, qu’à l’égard des autres, nous puissions entrer dans une nouvelle dimension de confiance, qui soit de l’ordre des fiançailles plutôt que de l’ordre du certificat. Car si Dieu donne tout son amour à ces personnes que nous, nous avons tant de mal à aimer, ça veut dire que soit c’est nous qui nous trompons, soit c’est Dieu.
Alors, à votre avis, qui doit réévaluer sa position, Dieu ou nous ?
Amen

Dieu te cherche

Ils entendirent la voix de l’Éternel Dieu
Genèse 3,8

Image pochette de l'album

 

 

 

 

 

 

 

Le message de l’évangile s’adresse à tous, sans exception, quels que soient notre histoire, nos origines, notre culture, notre passé, notre présent ou nos connaissances. Afin que tous puissent le connaître, le collectif NoShame, soutenu par l’Eglise Protestante Unie du Marais, a mis en place le projet musical Dieu te cherche.

Cet album de louange et d’évangélisation, paru en 2008, vise à renouveler la spiritualité fondée sur le chant des Psaumes. Il reprend le patrimoine littéraire de la Réforme, le modernise, et le met en musique dans des sonorités contemporaines, pop et rnb.

Le titre éponyme de l’album a fait l’objet d’un clip. Pour plus d’information sur leurs projets, et savoir où trouver l’album, vous pouvez vous rendre sur le site du collectif NoShame.

Vous pouvez télécharger « Dieu te cherche » depuis Itunes en cliquant sur ce lien.
Vous le trouverez aussi sur TopBoutique.com en cliquant ici, ou surtout sur Sephoramusic.com en cliquant ici.

L’album Dieu te cherche, ainsi que le single, sont téléchargeables sur le site de Séphora sur Itunes en cliquant sur ce lien, et aussi sur TopBoutique.com en cliquant ici,

Retrouvez aussi le site de Dieu te cherche.

Pardon (3/3) – Le non pardon

Pardonner
Pardonner n’est pas une option pour ceux qui déclarent suivre Jésus. En effet, le pardon est un des principaux piliers de la foi chrétienne, mais surtout un vrai chemin de vie qui libère, chez moi et chez l’autre, la capacité à devenir vraiment humain.
En trois prédications, voici un petit parcours, qui, sans être une méthodologie, peut quand même constituer une incitation à vivre vraiment, jusqu’au bout, le programme du Christ.

Texte de référence : Matthieu 18:21-35
Prédication donnée le 18 septembre 2005 à l’Eglise Réformée du Marais

Prédication

Souvenez-vous de la jubilation de Pierre qui croit bien faire en exagérant, qui pense qu’on va acclamer son zèle parce qu’il a proposé de pardonner 7 fois — ce qui est déjà formidable — et qui vit la déconvenue radicale d’apprendre qu’il faut pardonner 70 fois 7 fois.
Suite à cette surenchère exponentielle de Jésus, on s’attendait à avoir une explication. On aimerait quand même en savoir un peu plus. Et cette explication vint sous la forme d’une parabole.
Mais notre attention, dans une lecture acérée du texte, se porte sur le mot de transition entre la réponse de Jésus et la parabole du Royaume qui va suivre. Attention aux petits mots qui changent le sens des histoires.
Pour ma part, quand j’entendais « Pardonner 70 fois 7 fois »… je pensais que Jésus étayait ensuite son propos en disant « En effet… car en effet… », mais il n’en est rien. Jésus dit « C’est pourquoi ».
« Pardonner 70 fois 7 fois »… c’est pourquoi… »
Le statut de la parabole qui va suivre n’est donc pas une illustration imagée du fait qu’il faille pardonner 70 fois 7 fois, il n’est pas non plus une explication des causes théologiques de ce pardon total voulu par Dieu.
Le texte qui va suivre est un récit des conséquences. Voici comment illustrer les conséquences concrètes de cette exigence démesurée du pardon dans vos vies. Et voilà comment ça marche dans le Royaume de Dieu, dans ce plan d’existence où nous vivons, plan qui s’ajoute au seul plan terrestre de notre vie matérielle, affective, humaine.

Ce récit va aller très loin puisqu’à notre grande surprise, au lieu de parler des conséquences du pardon, ce récit imagé va nous décrire les conséquences du non-pardon. « Si jamais vous refusez d’entrer dans ce projet de pardon total, voilà ce qui se passera pour vous. » Ouvrez vos oreilles !
Et comme dans tous les textes du nouveau testament, celui-ci déploie à la fois une promesse d’une grâce réjouissante et d’une exigence incontournable. Retenons les deux facettes de l’enseignement de Jésus, et pas seulement celle qui nous ferait plaisir (celle de dire que Dieu trouve que tout est beau et que tout le monde est gentil), mais bien la totalité du tableau que Jésus dessine sous nos yeux, avec ses lumières et ses ombres, l’un n’ayant pas de sens sans l’autre.

La première chose que me rappelle ce texte, c’est que le pardon est toujours une histoire de remise de dette. C’est comme si nous avions un compte en banque non pas en euros mais en joie et en paix. Oui, je dis bien un compte en banque dont l’unité de mesure monétaire seraient la joie et la paix. Et à chaque fois que nous traverse un ressentiment, c’est comme si nous devions payer un impôt très lourd à la haine. A chaque fois que nous viennent des regrets amers, nous devons faire un chèque en blanc à l’adversaire du Christ, cet adversaire qui se paye de nos joies abîmées et de nos tranquillités troublées. Autant dire que sur le compte de la paix et de la joie, si nous n’acceptons pas de vivre avec le mode de vie spirituelle de Jésus, nous sommes toujours dans le rouge, et parfois proche de l’interdiction de chéquier, et peut-être pour certains qui ont accumulé les traites au Ministère de la Colère, vous êtes franchement interdits bancaire. Cette situation consiste donc en l’absence totale de paix et l’inexistence concrète du bonheur.
Mais voici que le projet de Dieu est tout à fait étonnant. Il ressemble aux projets de l’ONU et du G8 à cette différence près qu’il va jusqu’au bout. C’est un projet de remise de dette. Dieu a eu une grande idée, c’est d’inciter tous les propriétaires de comptes en banque en paix et en joie à administrer différemment leurs porte-monnaie.
La première incitation consiste à ne pas laisser à droite et à gauche des chèques en blanc de haine ou d’inquiétude, car ils nous mettent dans une situation permanente de surendettement. C’est quelque chose que l’on comprend très vite, mais que nous avons plus de mal à mettre ne pratique, quand bien même on aurait vraiment intégré cette idée.
La deuxième incitation du Seigneur est remarquable, c’est que Dieu a décidé que tous ceux qui voulaient bien lâcher prise et lui faire confiance, recevaient une option dans leurs services bancaires, qui est bien mieux que toutes les offres — scandaleuses, soit dit en passant — de découvert. Dieu prend à sa charge (pour vous qui voulez bien vous confier en lui) tous vos découverts sur vos comptes en banque en paix et en joie. C’est formidable, non ? En réalité, ce n’est pas un puits sans fond, car normalement, dès la première fois où Dieu règle la différence et nous remet dans le positif, nous héritons en même temps d’une soudaine lucidité de gestion qui nous permet de ne plus administrer bêtement nos ressources, et nous mettons fin définitivement aux pratiques dispendieuses que sont la rancune, l’animosité, la malveillance, et la colère.

Ce qui est grave, donc, d’après la parabole de Jésus, ce n’est pas le fait que Dieu ait à dépenser des mille et des cents pour nous désendetter, au début de tout ce processus, mais c’est notre inconséquence par rapport à ce désendettement massif et soudain. Car aussitôt que Dieu nous libère d’un passif dont nous n’aurions jamais pu nous tirer sans sa clémence et sa douceur, nous nous sentons tout légers et nous retournons à des modes de fonctionnement qui sont ceux du monde et non ceux du Royaume. Nous oppressons les autres pour fêter la fin de notre propre sentiment d’oppression…
La loi du Royaume de Dieu consiste à briser la dette, quoi qu’il en coûte, quoi qu’il en coûte à Dieu, et pour mes affaires à moi, quoi qu’il m’en coûte. Si je ne brise pas la dette, si je ne déchire pas les chèques en blanc que les autres me font en m’agressant, j’échappe à la législation du Ciel, à sa jurisprudence et à ses codes.
La conséquence est simple, et vous voyez qu’il s’agit bien d’une question de compétence judiciaire. Si vous êtes citoyens du Royaume, vous savez que la loi du Royaume est une loi du pardon. Si vous ne vivez pas cette loi du pardon, vous quittez la compétence du Royaume, et on vous remet sous la loi du monde. Et vous aurez à en tirer les conséquences. Car le monde ne pardonne pas, le monde punit et sa justice est basée sur la rétribution, fort heureusement, puisque c’est la base même de l’équité, normalement.

En somme, les uns et les autres nous sommes aujourd’hui devant un choix.
Soit nous disons que nous avons la double citoyenneté, puisque nous sommes citoyens de la République et citoyens du Royaume. Et à ce moment-là, pour les affaires matérielles et humaines nous sommes sous la compétence des lois du monde, mais pour les affaires spirituelles, nous nous plaçons sous l’autorité d’une loi bien plus exigeante qui est celle que le Christ est venue révéler. Si nous désirons avoir cette deuxième citoyenneté, du Ciel, l’obéissance à la loi de pardon n’est pas une option, elle est une condition.
« Voilà ce qui vous arrivera si vous ne pardonnez pas de tout votre cœur ». Ce qui vous arrivera c’est que vous serez remis, tout simplement, à la seule compétence du monde, y compris pour les affaires spirituelles. Et le monde est régi par la compensation et la rétribution, je l’ai déjà dit : pour toutes vos haines et vos ressentiments, vous serez accablés, sans espérance et déçus. Pour toutes vos amertumes vous serez dans l’atermoiement, le sentiment d’une culpabilité qui n’en finit jamais. En somme pour tous vos non-pardons et parce que c’est vous qui refusez de briser la logique de la dette, parce que c’est vous qui refusez que se déploie la compétence du Royaume dans votre vie, vous serez endettés, débiteurs, sans cesse redevables des agios exponentiels de la rancœur qui s’installe au fond du cœur comme un horizon inéluctable.

Considérez le projet de Dieu.
Vous avez envie de continuer à vous culpabiliser sans fin ?
Vous êtes très attirés par la bile qui marine dans votre cœur et y laisse des ulcères acides ?
Vous avez un goût certain pour les regrets et le sentiment de ne jamais y arriver ?
Vous aspirez à une vie terne et repliée sur elle-même ?
Vous sentez un désir qui pointe de vous complaire dans la morgue et les sentiments funestes ?
Eh bien, désormais, vous savez que faire.
Surtout, ne pardonnez pas.
Vous ne serez pas déçus…
Amen

Pardon (2/3) – Comment pardonner ?

Pardonner
Pardonner n’est pas une option pour ceux qui déclarent suivre Jésus. En effet, le pardon est un des principaux piliers de la foi chrétienne, mais surtout un vrai chemin de vie qui libère, chez moi et chez l’autre, la capacité à devenir vraiment humain.
En trois prédications, voici un petit parcours, qui, sans être une méthodologie, peut quand même constituer une incitation à vivre vraiment, jusqu’au bout, le programme du Christ.

Texte de référence : Matthieu 18:21-35
Prédication donnée le 11 septembre 2005 à l’Eglise Réformée du Marais.

Prédication

Il est tout à fait saisissant de voir le fossé qui sépare l’Evangile de la réalité de ce que nous vivons. Et c’est un pain bénit pour ceux qui veulent lancer des cailloux sur les chrétiens, car les pourfendeurs de l’Église ont malheureusement raison : voici une communauté qui place le pardon au centre de tout ce qu’elle croit, mais qui ne fait pas ce qu’elle dit. Ce n’est pas un fossé, c’est un chenal, ce n’est pas un chenal, que dis-je c’est un abîme ! Ce n’est pas un abîme, c’est un vide sidéral et sidérant !
Le décalage abyssal entre la réalité vécue par les chrétiens et le type de pardon que Dieu attend se dit merveilleusement dans le texte que nous avons relu à l’instant.
Pierre vient d’entendre Jésus expliquer la nécessité de la correction fraternelle. Il a écouté quelle doit être la vigilance des uns pour les autres, cette vigilance qui n’a pas pour but un jugement ou une condamnation, qui n’est pas là pour un flicage communautaire, mais pour donner à chacun une chance de se sortir de l’ornière où il aurait pu s’engager. Chacun peu aider un autre à nommer le problème dans lequel il se trouve. Et la conséquence immédiate de cette correction fraternelle, c’est le pardon. Car celui qui s’est amendé ne peut que trouver le pardon dans la communauté, il ne sera pas sous le coup d’une peine à perpétuité.
Pierre a tout à fait raison d’embrayer la conversation sur le pardon, car c’est bien à cela qu’il faut en arriver. Mais là où il se trompe, c’est dans la profondeur de sa démarche. Il se demande sûrement, intérieurement : « Comment je pourrais montrer que j’ai bien compris toute cette affaire, et qu’il faut pardonner beaucoup ? Je vais lui demander s’il faut pardonner trois fois, — ce qui est déjà énorme, tout le monde en conviendra —. Allez, non, je pousse le bouchon beaucoup plus loin, pardonner une fois par jour pendant une semaine, énorme ! »
Et voilà Pierre qui propose à Jésus de pardonner sept fois. Ce faisant, il a l’impression d’être zélé et a bon espoir que Jésus lui dise : « Tu sais, si vous pardonniez déjà trois fois, ce serait bien… — sourire de Jésus ». Et Pierre est tout à fait confiant puisque Jésus ouvre la bouche pour dire : « Je ne vous dis pas de pardonner sept fois… ». Ca y est, Pierre est content, il a visé juste… ? « pas sept fois… mais soixante dix fois sept fois ».
Appelez ça comme vous voudrez, pour moi, c’est une grosse claque.
Vous sentez le fossé ? Vous percevez l’abîme ?
Tout le décalage entre la volonté de Dieu et la réalité de l’Église se trouve dans ce dialogue.
Car Dieu attend de nous que le pardon ne soit pas seulement une éthique, une stratégie, ou une tendance. Jésus ne propose pas le pardon comme une mode ou une option qu’il serait vraiment très chouette de vivre, mais comme une loi, comme un mode de vie, comme une structure de l’existence chrétienne.
Il ne s’agit donc pas de dire qu’on va pardonner au bout d’un long processus de maturation et d’initiation chrétienne, mais bien de dire que tant qu’on n’a pas enclenché le processus fondamental du pardon dans sa vie, on n’est pas chrétien. Oui, je sais, c’est dûr, mais nous ne sommes pas ici pour entendre seulement des paroles qui nous caressent dans le sens du poil. La grâce, formidable, sans mesure, dont nous sommes au bénéfice est une grâce tout à fait gratuite, mais dont nous avons à tirer toutes les conséquences, dont la première est la nécessité d’entreprendre le chantier du pardon.
Je voudrais aujourd’hui rappeler des choses qui seront peut-être élémentaires, mais qui sont vitales en matière de pardon. Car il y a bien tout un processus qui se joue dans le pardon, tout comme la semaine dernière, nous voyions qu’il y avait toute une démarche progressive dans la correction fraternelle.
Le pardon se joue en quatre étapes.

1. Nommer les torts.
Bien des situations sont complètement pourries parce que, finalement, on ne sait pas vraiment les torts qui sont en jeu. On voue une haine à l’autre, parfois même au-delà des générations, mais la raison première a été oubliée de tout le monde. C’est vrai dans les familles et c’est vrai entre les peuples. Et c’est pour cette raison qu’on ne peut pas faire l’économie de cette première phase du pardon qui consiste à exprimer quels sont les torts. Il faut commencer à le formuler pour soi-même quand on nous a offensé. Quel est vraiment le tort ? En profondeur. Est-ce que c’est l’insulte elle-même ? Ou est-ce que c’est quelque chose de plus profond, qui a été touché par l’insulte ? Il est donc indispensable de prendre d’abord un temps d’introspection pour essayer de voir comment on a été touché et le pourquoi de notre peine ou de notre colère. Le nommer, pour nous, c’est déjà arriver à dissocier la personne de sa parole. Trop souvent nous faisons la confusion entre les deux. En effet, si quelqu’un me dit quelque chose de très dur, est-ce que je dois en vouloir à la personne ? Ou est-ce que je dois regretter cette parole ? Vous allez me dire que les deux sont tout à fait liés, mais en même temps, il est important de les dissocier. Car on peut la plupart du temps pardonner d’autant plus vite une parole qu’on aura saisi que celui qui l’a dite n’était pas totalement maître de ses mots. Les deux tiers des situations de pardon tiennent à des paroles dites ou des gestes faits qui n’étaient pas complètement intentionnels de la part de ceux qui les ont faits. On pardonnera donc d’autant plus facilement la personne qu’on aura compris que ce n’est pas son être qui vous a offensé, mais le produit de son être que sont la parole ou le geste. Cette différence n’est pas du pinaillage, elle est au contraire une discipline pour nommer les choses. Ce n’est pas Untel contre qui j’en ai, c’est contre ce qu’Untel a dit tel jour à telle heure.
Cette première phase qui consiste à nommer les torts est fondamentale, car nommer c’est prendre autorité. Nous ne le dirons jamais assez, nommer quelque chose, c’est déjà prendre le dessus. Tant qu’une souffrance n’a pas de nom, elle n’a pas d’issue ; tant qu’un tort est diffus, inexprimé, il a beaucoup de puissance, mais sa puissance s’effondre à partir du moment où il est reconnu et appelé par son nom.
C’est d’autant plus important que dans bien des situations de conflit ou de blocage, celui qui a offensé n’a même pas réalisé que ce qu’il avait dit ou fait était extrêmement difficile à encaisser pour celui qui était en face de lui. Comment pardonner quelqu’un qui n’a même pas idée qu’il nous a blessé ?

2. Décider qu’on va pardonner.
Après cette première étape pour nommer, vient un deuxième temps qui se joue en nous-mêmes. C’est le temps de la décision. Car pardonner est d’abord une décision qu’il faut prendre. Des tas de gens préfèrent enterrer une situation que de pardonner. Des tas de sagesses abscondes proposent d’oublier plutôt que de pardonner, de laisser aux vagues du temps le soin d’effacer les sillons dans le sable. Mais c’est vain, car un pardon qui n’a pas été donné est toujours une bombe à retardement. Il y a donc une décision à prendre. Pour un chrétien, je l’ai dit, ce n’est pas une option, c’est une condition sine qua non au fait de porter le beau nom de chrétien. Mais il n’empêche qu’à chaque fois, cela doit être une décision explicite. C’est pour cela qu’il est plus facile de vivre cette phase dans un dialogue fraternel avec un frère ou une sœur chrétiens, parce que cela nous oblige à dire, d’une parole qui nous engage vis-à-vis de l’autre : « Je me suis décidé à pardonner à Untel ». La décision est une étape fondamentale, et pourtant elle n’est pas l’aboutissement de tout. Pardonner est quelque chose de presque impossible au cœur humain. Nous sommes encore trop dans le règne de l’animalité et de la revanche pour pouvoir pardonner jusqu’au bout. C’est pour cela que cette décision de pardonner est essentielle mais qu’en même temps elle ne se suffit pas à elle-même.
Le cœur profond du pardon va se jouer dans la prière, quand nous allons demander à Dieu qu’il nous insuffle la force de pardonner. Voyez le paradoxe, en même temps ma décision de pardonner est centrale, et en même temps je n’en ai pas les capacités, et donc c’est la puissance du pardon de Dieu qui a été manifesté en Jésus, qui peut seule me donner les moyens de vivre à mon tour le pardon jusqu’au bout. Là encore, ne brûlons pas les étapes, car sans cette force qui vient d’en-haut, nous ne vivrons jamais le pardon à 100%, mais seulement partiellement, laissant des germes de discorde bien implantés dans le terreau de nos existences.

3. Aller dire qu’on pardonne
Vous voilà maintenant décidé, et par la prière, vous avez aussi reçu la force de vivre le pardon jusqu’au bout, il est donc temps de passer à l’action. Car il ne suffit pas de dire « C’est bon, au plus profond de mon cœur, je lui ai pardonné ». Cela ne veut rien dire ! En effet, le pardon intervient dans une situation relationnelle, il intervient entre deux personnes. Et ce qui ne serait vécu que par un seul n’a aucun impact sur le deuxième. Vous pouvez avoir pris les meilleures décisions du monde, vous pouvez avoir reçu la force de vraiment pardonner, jusqu’à l’impardonnable, mais si vous n’allez pas présenter ce pardon à celui ou celle qui vous a offensé, c’est comme si rien ne s’était passé, car la relation n’est pas restaurée, les réparations ne sont pas vécues, elles ne sont pas effectives. C’est une étape qui est très souvent oubliée, ce qui est terrible car quand elle n’est pas vécue, c’est comme si rien n’avait eu lieu. La paix intérieure que nous apporte la décision profonde de pardonner nous pousse souvent à nous dire que tout est bien qui finit bien ; et nous en venons à oublier la mise en actes de ce qui, pour l’instant, n’existe qu’en puissance.

4. Faire une alliance de pardon
Parfois, avant de donner la parole de pardon, nous l’avions dit dès le début, il faut prendre le temps de dire ce qui a offensé. Mais il ne suffit pas non plus de dire « Tu sais, je te pardonne pour ça ça et ça ». Le processus de pardon n’est pas encore à son terme une fois qu’on a partagé cette parole. Car, si le pardon est un mécanisme relationnel, il faut qu’il y ait une relation, un échange autour de ce pardon. Et l’étape finale, c’est la parole de celui qui avait offensé, qui, avec ses mots à lui, va dire « Je reçois ton pardon et t’en remercie ». L’échange d’une alliance renouvelée est indispensable sinon, il se peut que le pardon n’ait pas été reçu. Imaginez que la personne dise : « Oh non, je suis impardonnable, je m’en veux, je m’en veux ». Cela voudrait dire qu’il y a encore besoin de temps et que c’est l’autre qui n’a pas fait tout le chemin pour pouvoir accepter ce pardon. Parfois il faudra être patient car l’autre n’aura pas avancé à la même vitesse que nous, et il aura besoin de temps avant qu’on revienne, qu’on reparle ensemble, et que le pardon soit vraiment reconnu, nommé, accepté, consommé.
J’imagine qu’au fil de cette prédication vous aurez reconnu des situations où vous avez voulu pardonner et où ça n’a pas marché. Peut-être vous serez-vous aperçu que vous aviez brûlé une étape. Il est toujours possible, même très longtemps après, de revenir sur une offense et de faire toute ce travail de pardon.
Non seulement c’est toujours possible, quitte à raviver pour quelques instants de mauvais souvenirs, mais on ne peut pas vivre dans la paix tant que ce travail de pardon n’a pas été fait d’une façon globale. Je voudrais vous inciter à vivre cela le plus profondément possible, à ne pas vous priver du pardon, non seulement du pardon que l’on reçoit, mais aussi et surtout du pardon qu’on donne, car c’est vital pour pouvoir vivre heureux.
Dans cette communauté en particulier, il reste de nombreux pardons à vivre avant que notre témoignage ne puisse être vraiment recevable à l’extérieur. Il y a eu tant d’anathèmes dans les dernières années… il ne faudrait pas croire que le seul fait de les avoir mis dans un côté de notre mémoire suffise à les considérer comme réglés. Ce n’est pas en tout cas le chemin sur lequel le Christ nous appelle à marcher.
Dans nos familles aussi, il y a beaucoup à pardonner, car il y a beaucoup à vivre, et que la destinée des autres, leur parole et leurs choix ne nous sont pas indifférents.
Aussi, quand l’immensité de cette tâche semble nous déborder, c’est à celui qui avait la force de pardonner soixante-dix fois sept fois qu’il faut s’adresser.
Prions… Seigneur, c’est vers toi que nous nous tournons car tu es le Dieu de l’impossible et que le pardon est au-delà de nos forces. Nous te le demandons du plus profond de notre cœur, viens, équipe-nous, façonne-nous à l’image de ton Fils. Aide-nous à enclencher cette démarche indispensable car sans Toi, nous ne pouvons rien…
Amen

Pardon (1/3) – La correction fraternelle

Pardonner
Pardonner n’est pas une option pour ceux qui déclarent suivre Jésus. En effet, le pardon est un des principaux piliers de la foi chrétienne, mais surtout un vrai chemin de vie qui libère, chez moi et chez l’autre, la capacité à devenir vraiment humain.
En trois prédications, voici un petit parcours, qui, sans être une méthodologie, peut quand même constituer une incitation à vivre vraiment, jusqu’au bout, le programme du Christ.

Textes de référence : Ezéchiel 33:1-9 et Matthieu 18:15-20
Prédication donnée le 4 septembre 2005 à l’Eglise Réformée du Marais.

Prédication

« Si ton frère a péché, reprends-le. » (Matt 18,15) – Voilà un langage qui n’est pas politiquement correct ! Non mais, de quoi je me mêle ? Chacun son chemin, il fait ce qu’il veut ton frère, c’est sa vie, c’est son choix !
« Mais voici ce qui peut arriver : Le guetteur voit venir les soldats ennemis. Il ne sonne pas de la trompette, et le peuple n’est pas averti. L’ennemi arrive et tue quelqu’un. C’est la faute du guetteur, et je lui demanderai des comptes pour cela. » (Ezé 33,6) – D’accord, dans l’ancien régime, au temps des murailles et des chevaliers, mais suis-je la sentinelle de mon frère ?

C’est étonnant que cette idée nous choque car elle a pourtant été reprise même par l’existentialisme athée d’un Sartre. Il disait : non seulement l’homme est responsable de lui-même mais en plus il responsable de tous les hommes. En effet, chaque fois que je fais un choix, mon choix s’impose comme une norme pour ceux qui m’entourent, ou a minima il vient grossir une statistique. Dans les questions démographiques et sociales, quand je me marie plutôt que de rester en concubinage, je contribue à ce que les media disent : « le nombre des mariages augmente cette année », et donc des tas de jeunes gens se mettent à se dire que le mariage n’est peut-être pas cette institution réactionnaire qui était propre à l’Ancien Régime. Les choix que je fais, les prises de position qui sont les miennes me concernent au premier chef, mais en plus, sans même que je les fasse à cette intention, ils sont plus ou moins normatifs pour les autres.
Cette idée est reprise aussi dans la pensée alter-mondialiste contemporaine, où l’on se réapproprie un vieux proverbe indien qui dit que la terre ne nous appartient pas mais qu’elle nous a été prêtée pour un temps par nos enfants, avant qu’ils ne la reprennent. Cette formulation éclaire bien le fait que nous sommes revêtus d’une responsabilité allant bien au-delà du seul cadre défini par les lois. Nous avons une responsabilité éthique, non seulement par rapport à ceux qui vivent avec nous, mais aussi vis-à-vis de ceux qui vivent loin de nous, que ce soit dans l’espace ou même dans le temps, pour ceux qui auront à vivre sur une planète sans pétrole parce que nous aurons tout brûlé, par exemple, au hasard…

L’idée d’une responsabilité ne nous est donc pas complètement étrangère. Elle est en plus au centre de l’idéologie protestante qui a amplement déployé ce terme dans toute sa communication.
Et pourtant, l’idée de correction fraternelle nous choque, car aller voir son frère pour lui dire qu’il a péché nous paraît être une ingérence abusive dans la vie d’autrui. C’est tout simplement parce que l’individualisme le plus radical a infusé nos pensées et nos cœurs, parfois même le plus discrètement possible, de façon ténue, insidieuse, mais efficace.
« C’est mon affaire. C’est ma vie. C’est mon chemin. » C’est mon blog sur internet où je raconte à cinq milliards de lecteurs potentiels que je préfère les Pépitos au chocolat au lait plutôt que le pain d’épice. Passionnant. De nombreux penseurs s’inquiètent aujourd’hui d’une dissolution de la mémoire historique. En effet les histoires individuelles prennent tellement de place que l’Histoire collective des peuples et du monde en devient peut-être secondaire. La narration de soi est devenue plus importante que la narration des grandes épopées collectives qui ont construit notre monde, et qui, on le sait bien, construisent aussi nos identités personnelles. Moins on raconte notre histoire et moins je suis apte à raconter mon histoire. Il en résulte une égotisation (pardon pour le néologisme) de la pensée. « Moi, moi, moi ; moi d’abord. »

Pourtant, quand Jésus recommande aux disciples de pratiquer la correction fraternelle, il va dans un sens tout à fait inverse. Je ne suis pas tout seul, je ne me suis pas fait tout seul. Heureusement que mes parents n’ont « pas respecté ma liberté » — si j’ose dire — au jour où j’ai essayé de mettre les doigts dans la prise. Heureusement que mon chef louveteaux « n’a pas respecté ma liberté » de faire cuire tous les champignons ramassés systématiquement autour du lieu de camp. Heureusement que mon épouse « ne respecte pas ma liberté » en me rappelant que vivre dans un peu d’ordre ne gâche rien.
S’autoriser une remarque est devenu quelque chose qu’on réserve à la cellule familiale aujourd’hui, et encore, à la rigueur, pour les enfants jusqu’à 13 ans ? 11 ans ? D’accord, 9 ! Encore faut-il que la famille soit suffisamment unie pour qu’on puisse s’y hasarder à des remarques et ne pas se retrouver face à l’irrémédiable « Mêle-toi de ce qui te regarde ! ». Dans le cercle familial sont encore un peu autorisées quelques remarques de correction réciproque. Mais c’est limite.
Mais c’est justement de cela que Jésus parle. L’Église est une famille, ce n’est pas une métaphore, c’est une réalité.
Ce n’est pas qu’une image ! C’est une famille puisque c’est le rassemblement des personnes qui appellent la même personne « Père » et se proclament leur enfant. C’est une famille et c’est pour cela que Jésus dit : « si ton frère a péché ». Il ne nous dit pas d’être des Robin des bois, redresseurs de torts universels. Il propose un système de régulation propre à la famille chrétienne. Car pour vivre en bonne intelligence, pour pouvoir être vraiment frères et sœurs, il est indispensable de pouvoir se parler en vérité.
Et il n’y a que la vérité qui guérit. Et il n’y a que la vérité qui blesse.
L’exercice de la correction fraternelle, c’est aussi une chance donnée au pardon. Comment peut-on demander pardon d’une chose dont on n’a pas forcément l’idée qu’elle soit problématique ? Comment savoir qu’on est en train de s’égarer avec la joie au cœur et la fleur au fusil si personne ne nous le dit ?
Le processus de correction fraternelle que Jésus propose fonctionne en finesse, qui plus est, parce qu’il est progressif, parce qu’il donne à chacun la possibilité de s’amender dans la plus grande discrétion et pas dans le secret, mais dans une forme de pudeur. Ce n’est pas le système de lynchage médiatique où dès que quelqu’un fait une erreur on le lapide dans les 12 heures ; quelqu’un qui par exemple aurait un appartement un peu grand. Ce n’est pas le système de l’étalage de toutes les erreurs des autres. Il y a une progression : d’Homme à Homme au début, puis avec deux ou trois personnes qui viennent confirmer que la correction fraternelle proposée n’est pas seulement fondée sur l’interprétation d’un seul qui serait venu imposer son point de vue sur la situation. Puis, s’il n’y a pas eu de changement, la chose est dite au niveau de la communauté. Mais ce n’est qu’à l’issue de tout ce processus.
C’est un véritable système de régulation, très pragmatique, et qui ressemble à bien des procédures contemporaines de règlement de conflits, ou de traitement judiciaire. Sauf qu’il reste interne à la famille chrétienne. Dans un autre passage on insiste sur le fait qu’il ne faut pas régler les affaires entre personnes de la communauté immédiatement devant les tribunaux du monde, mais qu’il est toujours possible de les régler en famille avant.
Ce qui nous gêne peut-être aujourd’hui, c’est plus profondément le fait que nous avons l’impression que personne n’est habilité à dire qu’une chose ou une autre est péché. Le mot a vieilli et il n’est pas toujours bien compris. Pour le réexpliquer simplement, pécher, c’est, d’une façon ou d’une autre briser la communion que nous avons avec Dieu ou briser la communion que nous avons avec les frères. Mais aujourd’hui nous pensons que nous n’avons pas le droit d’aller voir quelqu’un pour lui dire qu’il fait quelque chose qui le met en décalage avec Dieu. « De quel droit ferions-nous ça ? » disons-nous.
Mais, quelle est la loi à laquelle vous vous référez pour dire « de quel droit » ? Quelle est cette instance qui régule vos pensées au point de vous faire dire que nous n’aurions pas le droit d’aller vers notre frère pour lui dire qu’il s’égare ? Si notre frère est en danger, s’il est comme la citadelle assiégée qu’évoque Ezéchiel, serons-nous une sentinelle qui rédige un rapport de cinquante pages sur la catastrophe telle qu’elle l’a observée, ou serons-nous une sentinelle qui sonne de la trompette pour mettre en garde des périls ? La grande souffrance des chrétiens de ce temps, c’est que la loi qui s’impose à leurs âme aujourd’hui n’est plus la loi de l’Evangile.
La bien-pensance tolérante est beaucoup plus puissante dans nos vies que l’Evangile de la correction fraternelle. « Pourquoi moi, paroissien, j’irai dire à tel autre que son choix de consulter des voyantes est un péril spirituel pour lui ? C’est sa liberté de faire ça, et en plus moi je n’y crois pas, donc ça ne doit pas être un péril ; si ça lui fait du bien… » Mais non ! Non ! Ce n’est pas ce que le Christ nous demande, car une telle tolérance n’est pas du tout respectueuse de la personne, elle n’est pas une soumission à la loi d’amour enseignée par Jésus. L’amour de Jésus corrige, il dit « moi non plus je ne te condamne pas, pourtant, va et ne pèche plus » (Jean 8). Alors que la loi de tolérance de la pensée unique c’est « que chacun fonce tête baissée dans le précipice qu’il aura choisi ». Oui, selon le monde, j’aime mon frère et je le respecte en le laissant choisir son péril, en le contemplant, libre, libre, infiniment libre d’être écrabouillé par la vie.
Ô qu’elle est sublime la liberté de voir son frère mourir dans le malheur et l’égarement. Qu’elle est admirable cette liberté de ma sœur qui endosse les chaînes d’esclavages que ses parents lui ont léguées en héritage. Qu’elle est grandiose et belle, la liberté de ces frères et sœurs qui se précipitent vers la morbidité de la vie, libres, libres, libres d’être les esclaves du Dieu Argent. Quel plaisir esthétique de voir tous ces frères et ces sœurs se perdent dans la nuit !
Non, non, et non !
Voir notre propre vie harmonieuse, c’est cela qui doit conduire nos choix dans l’existence.
Voir nos frères debouts, c’est cela qui doit nous faire agir
Que Dieu nous soit en aide.
Amen